Chapitre 02 - Renaissance |
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Annexes |
Épisode 01 - Galaxie Pégasus - Système Banan - Planète Torrtur - Quelque part dans la Grande Forêt du district d'Arkadia
Pourquoi ?
Mais je veux savoir POURQUOI !
Toi ça suffit. Tu ne réponds jamais clairement, seulement par ellipses. J'en ai assez ! J'en ai assez de tout...
...
ASSEZ ! Arrête !
Oui. Oui... Je sais... Nous en avons déjà parlé mais c'était trop lourd à porter pour moi.
Pour "ça" !!! Non mais tu te rends compte de ce que tu dis là ! Tu imagines ce que j'ai pu ressentir !
...
J'EN AI ASSEZ ! CA SUFFIT !!! l'interrompit Slaine qui secoua la tête pour sortir de sa torpeur.
Aussitôt, elle reprit conscience de ce qui l'entourait. Elle soupira, lasse. Ces séances d'introspection lui semblaient de plus en plus inutiles et épuisantes. Les conversations tournaient en rond et revenaient toujours sur les mêmes choses: "il faut que tu avances", "écoute ce qu'il se passe autour de toi"...
- Gna gna gna ! Se surprit-elle à dire à haute voix.
Elle sourit très brièvement puis se referma de nouveau. Elle regarda autour d'elle, reprenant conscience de ce qui l'entourait. Perchée depuis plusieurs heures sur la branche d'un immense arbre, elle remarqua qu'il s'était mis à pleuvoir entre temps. La pluie glaciale ruisselait sur elle. Insensible à la morsure du froid, elle restait là, comme une statue, stoïque sous le déluge. Aucun être vivant n’était visible, seul le clapotis de la pluie et de son ruissellement se faisait entendre à travers la végétation.
"Écoute ce qu'il se passe autour de toi." Cette phrase raisonnait inlassablement dans sa tête.
Au même moment, comme y faisant échos, un bruissement de feuilles et de branches se fit entendre.
Soudain aux aguets, Slaine tendit l'oreille : quelqu'un fuyait à travers la végétation, en contrebas de l'arbre où elle était perchée.
Épisode 02 - Torrtur - Grande Forêt du district d'Arkadia - La fuite
Thélémaque fuyait. Il fuyait comme il ne l'avait jamais fait de toute sa jeune vie et comme il n'en aurait très certainement plus jamais l'occasion. À moins que... Il fallait qu'il atteigne l'arbre gigantesque qui lui offrirait un refuge où le ubiytsaubiytsa : Gros félin, non originaire de Torrtur, vivant dans les forêts. Comparable à un puma terrien et pouvant peser jusqu'à 700 kg pour les plus gros spécimens observés, c'est un prédateur redoutable et redouté. ne pourrait pas l'atteindre. Il connaissait cette forêt comme sa poche. Enfant déjà il parcourait ces sentiers en tous sens avec sa cousine Lisyppé. L'arbre ne devait plus être très loin maintenant.
Il fuyait, insensible à la pluie et à la végétation qui lui cinglaient le visage. Les poumons en feu, il sentait bien que cette course folle était proche de finir. D'une façon ou d'une autre il y aurait une fin. Deux fois déjà il avait réussi à changer de direction pour dérouter son poursuivant mais celui-ci ne se décourageait pas. Il était taillé pour la chasse : poursuivre sa proie, la talonner, l'affoler et attendre qu'elle se fatigue pour ensuite l'attraper et la serrer dans ses mâchoires hérissées de crocs acérés. Derrière lui, Thélémaque entendait le bruit de ses longues foulées souples. Son poursuivant ne semblait nullement fatigué. Il frissonna, détrempé par la pluie et la sueur. D'où pouvait bien provenir cet animal ? Il n'y en avait pas sur Torrtur ! Il n'en avait vu jusqu'alors que durant ses cours sur la faune de l'univers, en illustration. En le voyant tout à l'heure, prêt à bondir, il aurait pu s'extasier devant cette merveille de la nature. Sans attendre son reste, il avait détalé dans la végétation, laissant ses 2 camarades qui campaient à quelques mètres de là. Étaient-ils toujours vivants ?
Son corps commençait à se fatiguer. Son esprit également, saturé par l'adrénaline et le stress. Pourtant, dans un dernier éclair de lucidité, il aperçut le tronc de l'arbre qu'il cherchait. Franchissant les derniers mètres qui l'en séparaient, il sentit le ubiytsa se rapprocher de lui. Alors, il tenta une dernière esquive avant d'atteindre l'arbre refuge. Hélas, derrière lui, le félin avait anticipé et, bondissant, lui envoya un coup de patte dans les jambes pour le déséquilibrer. Stoppé net, Thélémaque culbuta dans la mousse, au pied de l'arbre immense. Exténué, il exhala un dernier halo de vapeur brûlante. Son regard se perdit vers la cime de l'arbre, comme une dernière supplique aux anciens dieux de son peuple. Au même moment, il sentit une lourde patte se poser sur son torse et des crocs lui broyer l'épaule droite et la naissance du cou. Sa main gauche saisit vainement le museau du prédateur essayant de le faire lâcher prise. Mais son regard se voila et la main brandit retomba lourdement sur la mousse. Thélémaque bascula dans le néant.
Épisode 03 - Torrtur - Grande Forêt du district d'Arkadia - Duel
Slaine réagit sans analyser précisément la situation. Quelqu'un était en danger et c'est tout ce qui importait. Elle dégaina les 2 yatagans que le commandant Nima BLUTCH lui avait offert quelques jours auparavant et dévala de l'arbre en bondissant de branche en branche.
Lorsqu'elle arriva au pied de l'arbre, l'animal avait déjà
saisi sa proie qui ne montrait plus aucun signe de vie. Soudain
déterminée face à cette situation désespérée,
Slaine poussa un hurlement de rage à l'intention du prédateur.
Surpris, celui-ci lâcha sa prise. Une patte toujours posée
sur sa proie, sa queue fouetta nerveusement le sol et il grogna à
son tour, exhibant les crocs acérés de sa gueule
entrouverte. Les 2 adversaires se toisaient, d'un côté
le ubiytsa, oreilles à l'horizontal, pupilles dilatées
au maximum et poils hérissés sur l'échine, de
l'autre Slaine, regard dur, en position d'attaque, ses 2 lames prêtes
à frapper.
L'animal attaqua le premier. Le goût du
sang de sa proie l'avait mis en appétit et l'incitait
certainement à accélérer les choses. Vif comme
l'éclair, il se ramassa sur lui et bondit en avant, toutes
griffes dehors. Slaine esquiva prestement cette attaque sans surprise
mais avant qu'elle ne puisse se remettre en position, le félin
s'était de nouveau ramassait sur lui et avait projeté
une de ses pattes vers elle.
Quelle vivacité ! Pensa-t-elle surprise.
In extremis, elle projeta sa tête en arrière pour
éviter le coup et seules 2 griffes lui lacérèrent
le front et la joue droite. Vive comme l'éclair, elle projeta
l'un de ses yatagans vers cette patte monstrueuse pour y plonger sa
lame. La bête s'était découverte, il fallait en
profiter pour lui porter un coup qui serait peut-être
décisif.
Face à elle, le félin poussa un
miaulement plaintif et recula prestement à son tour. La patte
blessée restait en l'air mais les yeux fous du ubiytsa
n'indiquaient pas qu'il allait rompre le combat. Slaine put y lire
comme de la haine à l'état pur. Elle inspira calmement
pourtant, jaugeant la situation. Le sang coulait sur son visage et de
sa joue, voilant de rouge son œil droit. C'était une
blessure superficielle qui ne la gênait pas pour le moment. Il
fallait qu'elle provoque quelque chose, une réaction, un
énervement... Parfois, un animal s'emportait comme un humain
et cela pouvait faire la différence.
Déterminée, elle hurla alors, s'adressant à la bête qui s'apprêter à attaquer de nouveau :
- Tu cherches quoi ? La mort ? C'est ce que tu veux ? Je ne souhaite pas te tuer mais je le ferais si c'est nécessaire !
Surpris dans son élan, l'animal stoppa son attaque, émettant un long grognement roque et sourd qui raisonna en elle :
- Je n'ai pas peur ! Alors viens si tu l'oses ! Aller !!
Pour toute réponse, une nouvelle fois, l'animal bondit.
Épisode 04 - Torrtur - Grande Forêt du district d'Arkadia - Fin du Combat
C'était la 3ème attaque que Slaine réussissait
à esquiver puis à contrer. Les 2 adversaires se
toisèrent une nouvelle fois. Le total était de 4 pour 1
maintenant : le ubiytsa avait 4 blessures et Slaine une seule.
Bien
que ses blessures ne soient pas mortelles, l'animal perdait son sang
abondamment et il était clair qu'il ne pourrait pas continuer
à ce rythme là longtemps. Il semblait s'en rendre
compte, sa dernière attaque avait juste était un
simulacre, de l’esbroufe pour impressionner l'adversaire.
De
son côté, Slaine était en meilleure forme mais le
sang poisseux inondait toujours son œil droit avec lequel elle
ne voyait pratiquement plus rien. De plus, des mèches de
cheveux s'y collaient à chaque mouvement de tête un peu
brutal. Elle essuya le tout d'un revers de manche, ramenant les
mèches de cheveux vers l'arrière de sa tête. Il
ne fallait pas se laisser distraire et prendre l'initiative cette
fois. Continuer ce jeu du chat et de la souris ne l'amènerait
nulle-part. Par contre, une blessure décisive ou mortelle
pourrait faire pencher la balance.
Sans attendre, elle sauta en
avant pour une attaque frontale et, tandis que le félin
tentait une contre-attaque, elle esquiva prestement pour attaquer le
flanc gauche, vers la patte blessée du prédateur.
Bondissant dans les airs, elle effectua un barani parfait. Au sommet
de son mouvement, elle enfonça profondément l'une de
ses lames dans l'épaule du prédateur puis dégagea
sa lame pour atterrir 3 mètres plus loin, faisant de nouveau
face à l'ennemi pour attaquer. Ce qu'elle ne fit pas.
Abandonnant sa position d'attaque, elle se redressa fièrement
et, les 2 yatagans reposant nonchalamment le long de ses jambes,
harangua l'animal blessé.
- Alors ? Tu décides quoi ? Nous continuons ou nous en restons là ?
Pour toute réponse, la bête blessée grogna plaintivement. Sa patte semblait vraiment la faire souffrir.
- Tu décides quoi ? insista-t-elle, regardant le ubiytsa droit dans les yeux.
Ce dernier secoua la tête. Il regarda sa proie toujours inerte à quelques pas puis pointa son regard de nouveau sur Slaine. Il se détendit légèrement et recula de quelques pas, la fixant toujours. Tout à coup, sans demander son reste, il fit volte-face et en quelques foulées, disparut dans la végétation.
Slaine tendit l'oreille : ce n'était pas un piège, les bruits de la végétation et des foulées du félin s'estompèrent bientôt. Il avait rompu le combat sans demander son reste. Elle était satisfaite, presque heureuse de ce dénouement car le combat n'avait duré que quelques minutes. Pourtant, un faible gémissement émit par le corps qui gisait au pied du grand arbre la ramena vite à la réalité. Elle s'y précipita, s'agenouillant près de l'adolescent dont elle découvrait enfin le visage. Les lèvres exsangues, le teint blafard, il semblait proche de la mort. Se rappelant les notions de secourisme qu'elle avait apprises quand elle était pilote, elle ausculta rapidement le jeune homme. Il était encore en vie, il fallait donc agir pour tenter de le sauver. Elle prit sa trousse de premier secours qu'elle conservait toujours attaché au niveau des reins et en sortit divers compresses ainsi que des "harnais bandage". Puis, elle comprima et pansa la plaie béante de l'épaule du garçon.
Si l'animal l'avait saisi à la gorge, je n'aurais rien pu faire, pensa-t-elle en injectant une solution d'antibiotiques dans le bras du blessé. Par contre, je n'ai aucun moyen d'appeler des secours.
Perplexe, Slaine se redressa et, après avoir essuyé
ses yatagans à l'aide d'une large feuille de lierre, elle les
rengaina. Perdue dans ses pensées, elle sursauta, surprise par
des bruits provenant de derrière elle.
Une nouvelle fois la
phrase "Écoute ce qu'il se passe autour de toi !"
résonna dans sa tête.
Épisode 05 - Torrtur - Arkadia - Salle du conseil royal
L'officier entra brutalement dans la pièce, interrompant la discussion entre la Reine et ses ministres. Cette dernière redressa la tête, fronçant les sourcils. Sans perdre sa contenance, le jeune messager la salua :
- Ma Reine, j'ai un message de la plus haute importance à
vous communiquer. Puis-je approcher ?
- Tu peux. Lui
répondit-elle.
Il s'approcha à grandes enjambées et lui tendit le message. Lysippé s'en empara aussitôt pour en lire le contenu.
Avons été informé par 2 de ses camarades que Thélémaque, cousin de notre Reine, était porté disparu suite à l'attaque d'un ubiytsa dans la Grande Forêt du district d'Arkadia, cadran 73. Sans nouvelle de lui actuellement. Unité de recherche en cours d'organisation pour envoi sur zone.
Elle blêmit mais se reprit aussitôt.
- Un ubiytsa !? Qu'est-ce que ce prédateur peut bien faire chez nous ? Encore une importation illégale d'une "peluche" dont on se débarrasse en forêt une fois qu'elle a grandi... Grommela-t-elle pour elle même.
Puis elle regarda le jeune officier en lui désigna le message :
- Tu as connaissance du contenu ?
- Oui.
- Quelles mesures ont été prises ?
- Nous n'avons pas d'unité
disponibles dans cette zone. Les plus proches sont celles des
Hantariens qui ont une équipe toute proche en manœuvre
actuellement. Ils se sont proposés et je pense qu'ils n'ont
pas attendu notre réponse pour commencer à ratisser la
zone.
- Vraiment ? C'est une bonne chose... Mais comment
pouvaient-ils être sur zone ?
- Il y a peu, ils ont réussi
à réparer 2 de leurs vaisseaux légers qui
proviennent de leur arche. Ils étaient partis les tester avec
notre accord bien évidemment. Ils sont très corrects et
ne font rien sans nous en avertir au préalable.
- Je n'en ai pas été informée... Mais peu importe... Et
c'est tant mieux finalement...
Elle s'interrompit pour s'adresser à ses ministres :
- Pardonnez-moi tous mais je dois vous laisser. Mon cousin Télémaque est porté disparu... Il faut que je m'occupe de cela immédiatement. Je vous recontacte très rapidement pour poursuivre nos délibérations.
Tous acquiescèrent silencieusement, conscients de la gravité de la situation : le jeune cousin était orphelin, Lysippé était sa seule famille et elle était très attachée à lui. Elle leur fit un bref sourire puis sortit songeuse de la pièce, suivant le messager qui la précédait.
Les Hantariens ! C'est une chance. J'espère vraiment qu'ils vont le retrouver. Je dois les contacter de toutes urgences.
Épisode 06 - Torrtur - Grande forêt du district d'Arkadia - Situation désespérée
La pluie tombait toujours noyant la scène d'une humidité lourde et oppressante. Au pied de l'arbre, Slaine avait de nouveau dégainé ses 2 yatagans. Face à elle, 2 basurerosbasurero : charognard vivant en bande de 5 à 10 individus. Comparable aux hyènes terrestres. Il peut peser jusqu'à 400kg mais la moyenne est de 250kg en général. Très dangereux pour une personne seule sans l'armement approprié. avaient débouché de la végétation. Elle n'aimait pas ses charognards qui se déplaçaient en meute. De corpulence beaucoup plus petite que le ubiytsa, ils n'en étaient pas moins tout aussi dangereux, voir même plus.
Il n'y en avait deux pour le moment mais c'était certain, d'autres allaient arriver. Slaine le savait, elle devait attaquer si elle voulait espérer avoir une chance de s'en sortir. Cette fois la situation était beaucoup plus compliquée qu'avec le ubiytsa.
Sans plus attendre, fléchissant légèrement les jambes, elle bondit en avant pour attaquer l'animal le plus proche. Beaucoup moins vif qu'un félin, ce dernier n'eut même pas le temps d'esquiver : Slaine lui avait planté l'un de ses lames dans la joue gauche pour lui immobiliser la tête, tandis que l'autre lui tranchait la gorge. La bête s'affala foudroyée sans émettre le moindre râle. Dans la continuité, Slaine poursuivit son mouvement et attaqua l'autre basurero maintenant isolé. Celui-ci avait plus d'expérience dans le combat et, esquivant l'attaque, il fit trois bons de côté, poussant un ricanement d'appel à l'intention de sa meute.
Slaine frissonna sous la pluie :
J'aurais dû attaquer celui là en premier...
Elle tenta de nouveau une offensive mais celui-ci esquiva encore une fois. Elle reprit son souffle un peu dépitée.
Je suis en train de me fatiguer pour rien... Peut-être essayer de regrimper dans l'arbre ? Oui mais le blessé j'en fais quoi...
Les idées se bousculaient dans sa tête. Elle ne savait quelle décision prendre.
Je perds du temps ! C'est pas possible... Je vais me retrouver dans une impasse si ça continue...
Au même moment, 3 nouveaux basureros débouchèrent de la végétation. Ils échangeaient des grognements entrecoupés de ricanements. Ils commençaient à l'encercler.
Je suis trop loin de l'arbre de toutes façons... Si seulement j'avais une arme de tir... Même un arc !
Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus avant : 2 des charognards l'attaquaient déjà. Elle esquiva promptement le premier et blessa profondément le deuxième sur le flanc.
Celui-là ne m'embêtera plus au moins.
Pourtant, à son plus grand désarroi, elle constata qu'elle s'était éloignée un peu plus de l'arbre. Là bas, déjà, l'un des basureros reniflait le blessé qui gisait sur le sol.
Je me suis fait avoir ! Non, non, non !
Énervée, elle bondit de nouveau pour éloigner
cette menace. Avant même qu'elle arrive au contact, elle fut
violemment percutée et projetée en l'air. L'un des 2
autres basureros dont elle ne s'occupait plus, l'avait chargée
et promptement envoyée dans les airs.
L'atterrissage fut brutal contre le tronc de l'arbre géant. Elle poussa un cri
sous le choc et retomba lourdement. Elle se redressa tant bien que
mal en grimaçant. Autour d'elle, les charognards ricanaient de
plus belle. Le dos appuyait au tronc, son bras gauche pendait inerte
à son côté.
Épaule déboîtée... J'ai fait n'importe quoi... dans la précipitation. Je suis foutue...
Pour la première fois depuis qu'elle était descendue de l'arbre, sa gorge se noua. Soudain hébétée, elle regardait son yatagan qui gisait sur le sol, tandis que sa main droite valide serrait frénétiquement la garde de l'autre lame. Elle ne regardait même plus les charognards qui se rapprochaient maintenant.
J'vais crever. C'est fini...
Une larme coula sur sa joue, se mêlant à l'eau qui tombait toujours du ciel. La tête toujours courbée, elle brandit sa lame unique dans un dernier geste désespéré. La terreur commençait à la submerger. Tétanisée, elle commença à claquer des dents.
C'est peut-être... peut-être ce... ce que je cherchais après tout...
Sa main droite se mit à trembler de plus en plus, faisant tressauter la lame du yatagan sous la pluie. Elle avait renoncé et allait perdre pied c'était une question de secondes.
Épisode 07 - Torrtur - Cadran aérien 73 - Vaisseau hantarien T-AFI-01
Le capitaine Tatiana ZEJEWSK se retourna vers l'opérateur de spectrométrie thermique :
- Sinon ça donne quoi à l'imagerie ? À
l'extérieur c'est une vraie purée de pois, nous
n'aurons rien en visuel.
- Rien d'humain pour le moment
capitaine.
- Bien reçu. Continuez.
Elle décrocha un communicateur :
- De T-AFI-01 à T-AFI-02.
- Ici T-AFI-02. Je vous
reçois 5 sur 5.
- T-AFI-02 ça donne quoi pour vous
l'imagerie ?
- Pour le moment rien à signaler.
- Bien
compris T-AFI-02. Dérivez de 3° au Nord de la zone 73 et
continuez. Terminé.
- Bien reçu T-AFI-01. Nous
obliquons de 3° au Nord de la zone 73. Terminé.
Elle se retourna vers la verrière blindée de la navette, scrutant en vain la cime des arbres qui émergeait de la brume humide. Elle poussa un soupir. La pluie qui inondait les vitres n’arrangeait rien.
Et avec tout ça le lieutenant NAUX qui a encore disparu sans autorisation... C'était elle qui devait être mon second... Pfff... Et maintenant on recherche un adolescent perdu dans la forêt !
Elle secoua la tête. Elle aurait préféré continuer la manœuvre de combat initialement prévue mais les ordres étaient les ordres et elle savait parfaitement les exécuter.
- Je descends en soute pour vérifier l'équipement
d'intervention. Lieutenant DABROWSKI, prenez la suite et prévenez
moi dès qu'il y a du nouveau.
- Reçu
capitaine !
Elle accrocha le communicateur à son harnais et descendit
prestement l'échelle qui donnait accès à la
soute juste au-dessous.
Il y avait là 3
sous-officiers qu'elle connaissait parfaitement bien maintenant.
Ils étaient occupés à réapprovisionner
2 arachnodroïdes en munition. Ces derniers étaient déjà
amarrés solidement, prêts à être largués
dès que la soute s'ouvrirait.
- Le réarmement n'est pas encore fini ?
Aboya-t-elle un peu sèchement.
- Non capitaine. Nous
nous sommes d'abord occupés des munitions des canons
latéraux d'appui, répondit flegmatique le plus
âgé des trois.
- Ça aurait pu
attendre... Bon. Finissait moi ça rapidement. Et les 5
droïdes de combat ?
- Ils sont prêts à sauter
dans le compartiment suivant capitaine.
-
Bien. Finissez vit...
Elle fut brutalement interrompu par son second :
- Capitaine ! Nombreux mouvements et silhouettes détectés à bâbord !
Elle remonta l'échelle promptement et s'approcha de l'écran de l'imagerie thermique.
- Alors ?
- Je vois au moins 3 voir 4 silhouettes
d'animaux et une, peut-être deux, silhouette humaine. L'une
des silhouettes humaines n'est pas très visible. Pour les
autres c'est assez net... En tous les cas, il y a du combat en
dessous capitaine, conclut l'opérateur.
-
Pilote, dirigez vous à 30° bâbord.
- Bien reçu,
30° bâbord.
- Ils sont à 300
mètres, on ne peut pas les rater.
Le transport obliqua rapidement et fila vers la zone repérée. Bientôt, les droïdes de combat hantariens seraient largués sur la zone.
Épisode 08 - Torrtur - Grande forêt du district d'Arkadia - À la mort !
La voix hurlait dans sa tête, impétueuse, violente :
La douleur lui parcourut le crâne, comme une lame qui la transperçait. Slaine ne réagissait toujours pas, trop prostrée maintenant pour se laisser malmener par ce cri perpétuel. Mais les paroles qui suivirent atteignirent leur but :
Comme si elle avait reçu une gifle, elle ouvrit la bouche, les yeux écarquillés :
Oui, qu'en penserait mon amour ? Si je laisse faire, je ne
le reverrai jamais c'est certain... Lui aussi me conseillerait de
me battre jusqu'au bout. Comme au cours de toutes ces guerres
incessantes que notre peuple a dû traverser. C'est notre
capitaine, notre chef, il nous a toujours mené au combat.
Sans relâche, sans faiblir. Comment me jugerait-il si il me
voyait à cet instant précis ?
Aussitôt, son cerveau la reconnecta à la réalité. La voix disparut alors mais tout n'était pas fini. Tant qu'il lui resterait un souffle de vie, il fallait continuer. Elle brandit fermement son yatagan face à la bête qui ne se tenait plus qu'à quelques centimètres d'elle et hurla le vieux cri de guerre hantarien :
- À LA MORT !
Malgré la douleur, elle sabra violemment la tête de
l'animal, qui recula aussitôt effrayé. Mais un autre
était tout proche. Son bras gauche toujours pendant, Slaine
fit face à cette nouvelle menace, se ramassant sur elle
même, prête à bondir.
Elle parlait à
haute voix, électrisé par l’adrénaline
qui se déversait dans son organisme :
- Ne jamais reculer. Résister jusqu'aux derniers. Se battre jusqu'au bout... jusqu'à la mort sans faillir ! À la mort !
Elle chargea comme une démente la bête qui lui
faisait face. Elle n'avait plus peur maintenant. Elle combattrait
tant que la vie coulerait dans ses veines, tant qu'il y aurait un
espoir de revoir son amour perdu, tant qu'elle pourrait se
battre.
Et elle se battait, jetant son va-tout dans le combat.
Son bras inerte virevolté comme une écharpe autour
d'elle. Ne s'en préoccupant pas, elle continuait à
sabrer autour d'elle avec son unique lame.
Dans ce combat perdu
d'avance, elle réussit à se rapprocher du corps de
l'adolescent pour le protéger du mieux qu'elle
pouvait.
Énervés par cette proie qui ne décidait
pas à renoncer, les basureros attaquaient de plus en plus
frénétiquement, sans plus aucune prudence. Elle put
ainsi leur porter plusieurs coups qui laissèrent des plaies
béantes sur leur fourrure. Ce n'était qu'un répit
mais elle ne lâchait pas prise.
- Fini le désespoir ! Fini l'apitoiement ! Fini la faiblesse ! Hurlait-elle à chaque coup qu'elle portait.
Brutalement, sans qu'elle ne sache d'où cela provenait, une ombre surgit et percuta l'un des assaillants. Ce dernier culbuta dans l'herbe humide. Dans sa frénésie, Slaine distingua pourtant le félin qu'elle avait combattu auparavant. Pour une obscure raison, le ubiytsa était revenu et il s'attaquait maintenant aux charognards.
Pourquoi est-il revenu ? S'interrogea-t-elle.
Mais elle n'avait pas le temps d'analyser cette nouvelle
situation. Le principal étant qu'elle avait un assaillant de
moins à ses basques. Et puis, il fallait se battre et
défendre sa vie.
Cela sembla durer une éternité
alors que tout ne dura qu'une poignée de secondes.
La
situation évolua de nouveau lorsque, venue du ciel, une
autre ombre atterrit juste sur l'un des basureros restant, le
broyant sous ses pattes articulées.
Un arachnodroïde ! Des renforts hantariens !?
Le dernier assaillant recula aussitôt et prit la fuite
apeuré par ces nouveaux assaillants qui faisaient évoluer
le rapport de force en sa défaveur.
Tout de suite après,
deux droïdes de combat hantariens atterrirent à leur
tour. Ces derniers braquaient déjà leurs armes sur le
ubiytsa qui finissait d'achever le charognard qu'il avait mis au
sol.
- Arrêtez ! Ordonna Slaine. Laissez-le en vie !
Les droïdes stoppèrent immédiatement leur action, reconnaissant Slaine comme un de leur chef. Se redressant, le félin les regarda en grogna puis il scruta longuement Slaine qui commençait à chanceler. Il sembla plonger au plus profond d'elle même, cherchant quelque chose. Puis, comme rassuré, il fit demi-tour et disparut de nouveau dans la forêt. Slaine, rassurée à son tour, s'affala aussitôt sur le sol.
- Je ne bouge plus... J'attends les secours, murmura-t-elle
Autour d'elle, les Hantariens, son peuple, sa famille, étaient à l’œuvre, s’occupant déjà du jeune blessé.
Épisode 09 - Torrtur - Grande forêt du district d'Arkadia - Sauvetage
Le transporteur était en vol stationnaire au dessus de la clairière. Le sous-officier de pont attacha solidement le harnais de Tatiana au câble qui pendait dans le vide. Il tira sèchement sur les fixations puis leva le pouce. Tatiana répondit par le même geste puis, dos à l'ouverture béante, elle se projeta en arrière. La pluie lui cingla le visage. Elle rabattit prestement la visière de son casque et continua la descente. Elle toucha le sol et, avant d'avoir pu faire un geste, un homme la décrocha du filin d'acier. Elle releva la visière de son casque et interpella l'adjudant Helmut REICH :
- Mon adjudant nous en sommes où ?
- Capitaine,
nous avons trouvé et pris en charge l'adolescent recherché.
Il est salement amoché mais son état est stable. Il
est en cours d'hélitreuillage pour être récupéré
à bord. J'ai déployé 4 droïdes et
l'arachno pour couvrir la zone dans le cas d'un retour des
bestioles. Par contre, il y a une surprise.
Regardez derrière vous capitaine.
Tatiana se retourna et s'exclama en voyant la silhouette de Slaine, assise sur le sol, auprès de laquelle un sous-officier infirmier s'affairait :
- Le lieutenant NAUX !
- Le lieutenant NAUX, oui
capitaine...
- Bon, je vais voir ce qu'il en est. De votre côté,
récupérez les droïdes pour le rembarquement.
Nous n'allons pas traîner ici.
- À vos ordres.
Tatiana s'approcha du lieutenant qui était toujours assise par terre.
- Lieutenant ! Mais que faites-vous donc ici ?
La jeune femme essaya de se redresser et grimaça de douleur : l'infirmier, après lui avoir remis en place l'épaule, était en train de lui poser une contrainte pour immobiliser complètement son bras gauche.
- Restez assise et donnez moi une explication, ordonna
Tatiana.
- Je me suis retrouvé ici un peu par
hasard... Je suis intervenue et il s'en est fallu de peu que...
Enfin tout aurait pu mal se finir.
- Décidément,
vous ne faites jamais les choses comme il faudrait, répliqua
Tatiana agacée. Nous reparlerons de tout ça plus
tard. Vous pouvez vous considérez aux arrêts dès
maintenant pour abandon de poste. Dans l'immédiat, nous
rembarquons et vous venez avec nous.
- Et sa plaie au visage ?
Interrogea le SOSSOS : sous-officier sanitaire. qui s'affairait toujours.
- Vous verrez ça à bord sergent. Aidez la à se lever et allez-y.
Rapidement, les équipes hantariennes remontèrent dans le transporteur qui les attendait toujours sagement en vol stationnaire. Le capitaine fut le dernier à s'accrocher au seul câble qui pendait encore hors de la soute. Le système de traction couplé à celui-ci le ramena aussitôt à bord. Elle héla le sous-officier de pont :
- Fermez la soute et finissez de remettre en condition les droïdes.
Puis Tatiana remonta sur la passerelle du vaisseau :
- Moteur pleine puissance, nous quittons la zone, nous rentrons.
En bas, avant que la soute ne se referme complètement, Slaine distingua une dernière fois le grand arbre.
- Quelle journée... Murmura-t-elle.
On lui avait injecté un calmant qui commençait à faire effet : la tête lui tournait. Elle s'allongea alors sur une couchette préparée à son intention et s'endormit brutalement. L'infirmier en profita pour s'occuper de nettoyer et de suturer les griffures qu'elle avait sur la partie droite du visage.
Épisode 10 - Torrtur - Cité Arkadia - Hôpital Central "Isabella"
Lysippé regarda une nouvelle fois le visage blafard de Thélémaque. Sa main se crispa sur le rebord du lit.
- Vous êtes sûr qu'il va bien maintenant docteur
?
- Il est sorti d'affaire ma Reine. Il revient de loin. Sa
convalescence sera longue mais il s'en sort bien finalement. C'est
un costaud.
Un sourire timide éclaira le visage de Lysippé. Son cœur se serra encore une fois pourtant en pensant qu'il pourrait être mort maintenant. Elle chassa ces idées noires et sortit de la pièce.
- Merci beaucoup docteur. Prévenez-moi au moindre
changement le concernant.
- Ce sera fait ma Reine.
Lysippé parcourut rapidement les couloirs de l’hôpital
pour rejoindre le centre de commandement qui y était accolé.
Il fallait absolument qu'elle retrouve les Hantariens qui avait
ramené son cousin pour les remercier. Il fallait aussi
qu'elle prenne contact avec leur chef, le commandant Nima
BLUTCH.
Arrivée dans la salle de repos où elle
pensait les trouver, elle resta interloquée :
- Où sont les officiers hantariens ?
- Ils sont
sur le départ ma Reine. Il semble que personne ne leur ait
transmis votre demande de les rencontrer...
- Ah mais pourquoi
!!!
Lysippé se calma aussitôt. Elle avait horreur des éclats de voix et de se donner en spectacle. Un peut énervée pourtant elle se précipita hors du bâtiment. Elle héla un soldat qui stationnait avec sa navette devant l'entrée :
- Tu sais où est le vaisseau Hantarien ?
Le conducteur n'eut pas le temps d'acquiescer.
- Conduis moi là-bas. Vite !
Il enclencha les commandes aussitôt et poussa le moteur à fond. Par chance, l'air d’atterrissage sur laquelle le vaisseau hantarien s'était posé était toute proche de l’hôpital et donc du centre de commandement.
Au moment où la navette de la Reine atterrissait à
côté du transporteur hantarien, un autre transporteur
hantarien atterrissait également.
Lyssipé franchit
rapidement les quelques mètres qui la séparait des
vaisseaux amis et fut rapidement rejointe par Nima. C'était
elle qui venait d'arriver.
- Commandant ! Vous êtes là. Un grand merci à
vous et à vos équipes pour votre sauvetage.
-
C'est tout à fait normal reine Lyssipé. Nous avions 2
transporteurs à proximité, il aurait été
anormal de ne pas agir. Nous avons retrouvé votre cousin.
Comment va-t-il d'ailleurs ?
- Il est sorti d'affaire d'après
les médecins. Au fait, puis-je rencontrer les officiers qui
sont intervenus ? J'ai cru comprendre que l'un d'entre eux s'était
battu pour défendre la vie de mon cousin...
- Bien
évidemment.
Nima se retourna :
- Capitaine ZEJEWSK et lieutenant NAUX, approchez !
Elle regarda de nouveau Lysippé :
- C'est le lieutenant qui a défendu votre cousin. Le capitaine a effectué le sauvetage.
Les 2 officiers approchèrent et se mirent au garde à vous. Slaine grimaça : la douleur commençait à revenir. Lysippé serra chaleureusement dans ses bras Tatiana puis Slaine. Les 2 officiers furent un peu surpris par ce geste mais n'en montrèrent rien.
- Je tiens à vous remercier toutes les deux pour
votre action. Surtout vous lieutenant. Je ne vais pas vous ennuyer
car je vois que vous êtes blessée mais je vous invite
dès maintenant à venir nous voir. Mon palais vous est
ouvert.
- Merci madame... merci reine... bafouilla Slaine,
ne sachant qu'elle titre donner au chef des Amazones.
Lysippé lui sourit sans paraître choquée :
- Et vous aussi capitaine.
- Merci à vous reine
Lysippé, répondit Tatiana.
- Je vous
laisse tranquille car je dois m'entretenir avec le commandant
BLUTCH mais venez me voir bientôt !
Les 2 jeunes femmes se mirent au garde à vous une nouvelle fois et, sur un signe de Nima, elles repartirent vers le transporteur T-AFI-01. Aussitôt Lysippé enchaîna :
- Commandant, je souhaite profiter de cette rencontre pour
m'entretenir avec vous sur nos échanges. Je vois que vous
avez des vaisseaux qui ont une technologie supérieure à
la notre. Il faut que nous nous mettions d'accord sur la promesses
d'échange de technologie et d’entraide.
- Vous avez
raison, répondit Nima. Il faut que nous mettions
tout cela à plat et que nous convenions de la mise en place
de nos accords passés.
- Alors venez commandant. Mon
bureau nous attend.
Les deux chefs montèrent dans la navette qui attendait la
Reine. Les accords d'échange de technologie allaient enfin
pouvoir être mis en place.
Au même moment, le
transporteur T-AFI-01 décollait de la piste pour retourner
vers l'arche hantarienne.
Épisode 11 - Torrtur - Grande forêt du district d'Arkadia - Épilogue
Slaine courait.
Deux mois ! Deux mois qu'elle n'avait pas pu
s'octroyer un moment de liberté pure. Entre sa convalescence
et ses jours d'arrêt, elle n'avait jamais eu une minute à
elle. Enfin ce jour était arrivé, on lui avait donné
quartier-libre le matin même et elle en avait profité
pour s'échapper du casernement et de la routine militaire.
Cela lui faisait du bien de courir ainsi, parmi la nature sauvage.
Pour une fois, il ne pleuvait pas et l'atmosphère était
presque sèche. Elle respira à pleins poumons,
heureuse d'être en vie, heureuse d'avoir vécu cette
aventure et d'avoir échappé à la mort. Tout
cela semblait tellement loin maintenant. D'ailleurs, elle ne
ressentait plus aucune douleur dans l'épaule gauche et, en
dehors de 2 longues cicatrices qui lui barraient le côté
droit du visage, aucune trace ne subsistait de sa mésaventure.
Deux mois ! Deux mois qu'elle rongeait son frein, attendant le
moment propice pour revenir au pied du grand arbre. Le
retrouverait-elle ? Elle se posait la question depuis que,
fouillant ses affaires à l'hôpital, elle ne l'avait
pas retrouvé. Seul le fourreau vide restait en sa
possession. Elle n'avait pas osé avouer au commandant BLUTCH
cette perte de peur de la décevoir de nouveau. Elle se
souvenait du regard que Nima avait posé sur elle,
lorsqu'elle était rentrée dans le bureau pour
justifier de sa désertion... Slaine avait été
profondément mortifiée et ce même si sa
désertion avait permis de sauver une vie. Depuis elle avait
un peu honte et préférée éviter son
supérieur.
Soudainement angoissée en repensant à
tout cela, elle allongea la foulée, pressée d'arriver
au but.
Après plusieurs minutes de courses, elle arriva enfin
dans la clairière. Le grand arbre était toujours là.
Sans s'arrêter, elle continua et stoppa seulement au pied de
l'immense arbre. Elle était perplexe. Elle ne se souvenait
plus précisément de quel côté elle
s'était battue et entreprit donc d'en faire le tour
lentement. Dans la clairière, on distinguait encore les
carcasses de basureros sur lesquelles ils ne restaient maintenant
que des lambeaux de peau et de chaire.
Tout à coup elle
poussa un cri de joie. Il était là ! Elle l'avait
retrouvé ! Le yatagan perdu, son yatagan qu'elle avait dû
abandonner il y a 2 mois. Elle s'en saisit aussitôt. Il était
brillant, magnifique, aucune oxydation ne venait altérer sa
lame faite en iridium pur. Elle sortit alors le second du sac
qu'elle portait accroché au dos et les compara : seule la
poignée de celui qu'elle avait perdu était plus
sombre maintenant. En dehors de ça, il n'y avait aucune
différence, comme 2 jumeaux dont l'un aurait les cheveux
plus sombres. Satisfaite, elle les rengaina dans leurs fourreaux
maintenant réunis, heureuse comme un enfant qui a retrouvé
ses jouets favoris. Elle les rangea ensuite précieusement
dans son sac et se redressa. Au même moment la voix explosa
dans sa tête :
Épisode 12 - Torrtur - Forêt du district d'Arkadia - Rencontre inattendue
Slaine se retourna brutalement.
D'où pouvait bien provenir la voix ?
Elle avait
toujours pensé qu'elle se parlait à elle-même
lors de ses introspections.
Il n'en était rien ? Qui
pouvait bien lui parler comme ça ?
Elle resta figée
face à ce qui trônait dans la clairière.
Le
ubiytsa !? Que faisait-il là ?
Instinctivement, elle avait dégainé l'arme qu'elle portait à la hanche. Cette fois fini la lutte à l'arme blanche. Elle était armée avec le dernier cri des armes de poing hantariennes : un KR-11. Cette arme légère était capable d'envoyer 5 projectiles à la seconde. En tir continu, les 50 billes que contenait son magasin étaient ainsi envoyées en moins d'une minute à une portée effective de 20 mètres. Tout cela était largement suffisant pour hacher le félin au moindre mouvement de sa part. Ce dernier ne semblait pas inquiet pourtant, il restait tranquillement assis sur ses pattes arrières.
Elle sursauta de nouveau et cria sèchement :
- Qui parle ?
Slaine faillit en lâcher son arme de surprise : c'était cet animal qui parlait dans sa tête !
- C'est toi... C'est toi la voix ?
Slaine était abasourdie. Une multitude de questions lui vint aux lèvres mais elle n'eut pas le temps de les formuler :
- Pas question ! Je veux des réponses ! Tout de suite !
Le félin sembla épuisé tout à coup. Il prit une longue inspiration :
Ceci dit, l'animal se coucha sur le sol. Il semblait maintenant à bout de force.
De son côté, même si son instinct lui interdisait de s'approcher suite à leur farouche affrontement, Slaine se souvenait aussi que le ubiytsa l'avait ensuite aidé face aux charognards. Elle ne comprenait pas complètement ce qu'il venait de lui raconter mais sa curiosité commença à l'emporter.
Tout était lié !
Elle entrevoyait simplement que tout ce qui lui était arrivé au pied de l'arbre avait été prévu à l'avance et depuis bien longtemps, très certainement même avant que les Hantariens n'arrivent sur cette planète.
Par qui ? Par quoi ?
Elle ne le comprenait pas encore mais cela viendrait obligatoirement le moment venu. Après plusieurs minutes silencieuses, Slaine se détendit enfin. Elle semblait accepter la situation. Après tout, le fauve l'avait convaincu de sa bonne fois et de ses bonnes intentions. Celui-ci tenta alors sa chance :
Elle acquiesça de la tête. Il se leva difficilement pour s'approcher du grand arbre. Slaine remarqua alors que son allure avait bien changée depuis la dernière fois. La peau sur les os, le poil terne et sâle, une bosse à l'épaule gauche, il boîtait bas. Elle demanda :
- C'est la blessure que je t'ai faite ?
Il était tout proche maintenant et n'eut aucun signe d'agressivité envers elle. Presque rassurée, Slaine baissa son arme. Puis elle contempla l'épaule du félin, la bosse apparaissait maintenant énorme sous la fourrure épaisse de l'animal.
Elle rengaina alors l'arme dans son étui et s'approcha doucement de l'animal. Elle posa la main sur la fourrure douce et épaisse et palpa l'énorme masse molle qu'elle sentait sous la peau. Le félin grogna faiblement, son poil se hérissa sur son dos et ses griffes rétractiles jaillirent pour se planter dans le sol.
La douleur est à ce point ?
Tu dois avoir un abcès... C'est même certain. Il va falloir percer, vider et regarder ce qu'il y a en dessous...
D'accord. Je n'ai pas grand chose... J'espère que cela va aller. Tu peux te coucher sur le côté ?
L'animal s'affala alors dans l'herbe, offrant son flanc. Si Slaine le voulait, elle pouvait le tuer, maintenant. Elle n'en fit rien. Elle déballa soigneusement tout ce qu'elle avait dans sa trousse de secours : 2 scalpels, du désinfectant, de l’antiseptique, de l'anesthésiant local, des compresses, du file, des aiguilles de suture, quelques injecteurs... Elle resta un instant perplexe puis regarda l'animal droit dans les yeux et lui dit de façon très pragmatique :
Voilà. Je vais essayer de faire de mon mieux.
Épisode 13 - Torrtur - Forêt du district d'Arkadia - Une nouvelle amitié, un nouveau départ.
On peut dire que tout s'est bien passé. Enfin... Du mieux que j'ai pu faire. Comme le disait souvent papa lorsque j'étais enfant : "Si ça marche pour un 2 pattes, ça doit marcher pour un 4 pattes." Papa avait toujours une phrase de ce style pour chaque situation un peu exceptionnelle. J'ai dû hériter de son tempérament paysan...
Slaine sourit à cette pensée. C'était rassurant de penser à son père en cet instant. D'ailleurs cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas pensé à lui. Elle soupira, finissant de se nettoyer les mains et les bras dans l'eau cristalline d'une flaque qu'elle avait trouvé non loin du grand arbre. Elle s'essuya ensuite avec la mousse qui recouvrait le sol tout autour. Pour finir, elle remit le haut de son uniforme et se redressa. Elle se remémora soudain l'opération :
Le rasage de la fourrure autour de l'épaule. L'anesthésie locale puis la découpe de la peau fendue en un large arc de cercle. Le pus qui avait coulé pendant de longues minutes et qu'elle avait nettoyé du mieux qu'elle pouvait. Le trou dans le muscle ! Plus gros que mes 2 poings réunis. La désinfection. La suture de ce trou puis de la peau... Tout mon stock de médicaments y est passé ! La plaie va suinter c'est certain mais je vais revenir...
Elle s'approcha du félin toujours allongé et qui respirait calmement.
Ça va ? ... Tu... Au fait... Comment je dois t'appeler ? L'interrogea-t-elle tout à coup.
Ok... Euh... Alors, je vais choisir...
Slaine resta pensive un moment, fronçant les sourcils comme une enfant qui essaye de faire son premier dessin.
Kedi ! Ça te va ? Enfant j'avais un chat domestique qui s’appelait comme ça...
Elle sourit une nouvelle fois comme cela ne lui était pas arrivé depuis très longtemps.
Oui je me sens mieux et c'est en grande partie grâce à toi.
Elle eut un léger pincement au cœur en entendant ce prénom mais ce fût fugace et ce sentiment désagréable s'évanouit très vite :
Tu sais... Je suis certaine de le revoir. Je ne sais pas pourquoi mais j'en suis persuadée.
Elle finissait de ranger ces derniers effets dans le sac qu'elle jeta sur son dos et s'exprima de nouveau à haute voix :
- Bon ! Je dois rentrer. Il ne faut pas que je sois de nouveau en retard. Tu comprends ?
- C'est moi qui te remercie de ton aide. Et puis, je dois revenir très vite pour soigner ton épaule avec ce qu'il faut.
Elle passa maladroitement la main sur la grosse patte qu'elle venait de soigner comme pour le rassurer.
- Promis ?
- Alors à bientôt Kedi !
Puis, elle franchit les quelques mètres qui la séparait de la végétation. Là elle se retourna une dernière fois pour regarder le félin qui, entre temps, s'était assis et la regardait. Elle lui fit un dernier signe de la main avant de partir en petites foulées pour retrouver les siens. Demain était un autre jour, elle n'avait plus de crainte à l'affronter.
Soudain légère et pleine de vie, elle allongea la foulée. Dorénavant, elle aurait hâte d'être à demain. Hâte d'être à ce jour où elle retrouverait son amour pour le serrer contre elle.
(FIN du chapitre)