Chapitre 03 - La ruine et l'espoir |
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Épisode 01 - Galaxie Pégasus - Système Banan - Planète Torrtur - Cité d'Arkadia - Palais Royal
- Je ferai ce que j'ai envie de faire !
Sans attendre de réponse, Thélémaque sortit précipitamment des appartements royaux de sa cousine. S'il avait pu claquer la porte, il l'aurait fait mais toutes avaient été remplacées par des sas automatiques depuis peu.
Furieux et insensible aux appels de sa cousine, il courut dans le couloir pour sortir du Palais Royal. Il devait sortir. Tout l'étouffait dans cet endroit. Intérieurement, il enrageait. Personne ne comprenait sa nouvelle envie de carrière : il voulait intégrer l'école de guerre ! Il n'y avait rien de compliqué à
comprendre !
Depuis sa mésaventure d'il y a 6 mois, dans la forêt du district, et sa rencontre ensuite avec les Hantariens lors de sa convalescence, il n'avait plus qu'une seule idée en tête : intégrer l'armée et se battre pour son pays. Avoir frôlé la mort avait réveillé en lui l'instinct de guerre et de combat. Fini l'intégration de l'école d'administration. Terminé la carrière toute tracée de gouverneur d'une cité amazone. Dorénavant, il voulait vivre dans l'action. Risquer sa vie pour son pays et son peuple. C'étaient ses seuls buts.
Les Hantariens ! Il n'avait pas assez de mots pour encenser leur actions et l'aide qu'ils apportaient aux Amazones. Dans son jeune esprit d'adolescent, ils étaient comme des dieux, voir même mieux encore ! Il ne parlait que d'eux et ne jurait plus que par eux.
Il faut dire que ces derniers avaient, comme promis, apporté tout l'aide dont ils disposaient pour aider le peuple amazone. Ainsi, ils avaient complètement modifié la perception même de la recherche très hiérarchisée des Amazones. Dans un premier temps, le point avait été mis sur les recherches fondamentales mais déjà des nouveautés étaient apparues. Nouvelles propulsion et nouvelles armes pour les vaisseaux spatiaux, nouvelles armes de poing pour les forces terrestres, nouvelles techniques médicales, nouveaux médicaments, nouveaux procédés de production industrielle et agricole... Tout avait changé. Bien sûr, tout n'était pas encore en place et cela prendrait encore du temps mais c'était en bonne voie. D'ailleurs, 2 nouvelles colonies avaient été créées il y a peu. Tout cela participait aux changements à venir avec son lot d'échanges et de ressources dont bénéficiait automatiquement Arkadia.
Tout en ruminant ses pensées, Thélémaque était sorti du palais. Rapidement, il enfourcha son D'jéteur monoplace et démarra en trombe. Il avait hâte de retrouver Slaine avec laquelle il s'était lié d'amitié. Il avait hâte aussi de retrouver plusieurs de ses camarades qu'il avait converti à son projet. Tout comme lui maintenant, ils voulaient s'engager dans une carrière militaire. Accélérant à fond, il se sentait puissant et sûr de lui, en route vers une nouvelle vie beaucoup plus attirante que tout ce qui lui avait été promis jusque là.
Épisode 02 - Torrtur - Forêt du district d'Arkadia
Son communicateur vibrait. Slaine ouvrit brutalement les yeux.
- On peut même plus dormir tranquille... Un jour où j'ai quartier-libre en plus ! Maugréa-t-elle.
Elle était si bien dans cette chaude fourrure, blottie entre les pattes de Kedi. Contre son dos, elle sentait le mouvement régulier de la respiration de l'animal. Encore somnolente, elle repensa à ces derniers mois avec lui. Une amitié était née entre eux, pleine et entière. Pour elle ce n'était pas qu'un simple animal, un gros chat avec lequel elle pouvait jouer, c'était aussi un confident avec lequel elle avait de longues conversations sur tout un tas de sujets, sérieux ou anodins. Elle se blottit encore un peu plus contre lui, espérant que le communicateur cesse de vibrer de façon désagréable dans son sac.
Mais, il n'en fut rien. Inlassablement, le communicateur continuait de se faire entendre.
Tu es réveillé ! ... Pour tout te dire... Je n'en ai pas envie...
Slaine soupira et se redressa pour se lever. Elle s'étira en baillant. À côté d'elle, Kedi s'était levé à son tour. Il secoua son échine, faisant claquer ses oreilles. Puis il entreprit de s'étirer les pattes dans l'ordre habituel : d'abord les pattes avant, puis celles de derrière. Ensuite il s'assit et se lécha méthodiquement. Slaine le regarda en souriant puis ouvrit le communicateur pour prendre l'appel toujours en attente :
- Lieutenant NAUX, j'écoute.
- Bonjour lieutenant ! Nous avons une communication urgente en provenance de la Reine Lysippé. Cela concerne son cousin. Vous prenez ?
- Bonjour... Euh... Bon... Oui, allez y.
- OK. Je vous la passe lieutenant. Bonne journée.
...
- Slaine ?
- Oui. Lieutenant Slaine NAUX. J'écoute.
- Bonjour à vous. Ici Lysippé. Je vous contacte concernant Télémaque... J'ai eu une discussion... Enfin... Disons que nous nous sommes disputés ce matin et... J'aurais aimé savoir si vous pouviez le contacter... Il refuse tous mes appels. Je ne sais plus quoi faire pour dialoguer avec lui. Je sais qu'il vous apprécie beaucoup alors... Je vous demande cela comme un service. Pouvez-vous essayer de le raisonner ou tout du moins le calmer ?
- ...
- Slaine ?
- Oui madame. J'étais en train de réfléchir. C'est un peu compliqué pour moi... Il souhaite faire une carrière militaire comme vous le savez et je trouve que c'est une très bonne idée. Je ne l'ai jamais incité mais je ne peux pas l'en dissuader... C'est contraire à mes principes... Je ne vous promets rien mais je vais essayer de faire tout mon possible pour qu'il reprenne contact avec vous.
- Merci Slaine. Je comprends parfaitement votre point de vue. Je souhaite juste finir la conversation entamée ce matin avec lui. Si vous n'y arrivez pas, vous me tenez au courant ?
- Aucun problème, Reine Lysippé. Si j'échoue je vous préviens immédiatement.
- Encore une fois, merci beaucoup Slaine. Au plaisir de vous revoir.
- Au revoir madame.
La communication se coupa et Slaine resta songeuse un cours instant. Elle allait devoir jouer le rôle de conciliatrice afin que les 2 cousins puissent dialoguer sereinement sur le sujet épineux du futur de Thélémaque. Elle ne comprenait pas qu'ils n'arrivent pas à s'entendre mais bon, c'était souvent comme ça les histoires de famille...
Rapidement elle roula la couverture qu'elle avait mis sur le sol pour les protéger de l'humidité, la rangea dans une housse étanche et la cacha dans un creux, au pied du grand arbre. Enfin elle ôta le haut de son uniforme et, torse nu, se débarbouilla rapidement dans une marre d'eau claire toute proche. Pour finir, elle y plongea la tête. L'eau était glacée. C'était un sacré coup de fouet pour se réveiller de bon matin. Elle se sécha ensuite avec une serviette qu'elle avait apporté et remis son uniforme. Elle regarda le grand félin qui, après avoir fini sa toilette, buvait à grandes lampées dans une autre mare toute proche :
ça te dis une virée en ville ?
Pourquoi y en aurait-il ? Tout c'est bien passé la dernière fois !
Tout ira bien. Nous allons trouver le jeune Thélémaque. Tu te souviens ?
OK ! Alors allons y.
Elle grimpa prestement sur le dos de l'animal qui partit aussitôt en petites foulées. Avant qu'ils disparaissent dans la végétation, elle dit encore :
Par la même occasion, on en profitera pour se trouver quelque chose à manger.
Épisode 03 - Torrtur - Arkadia - Base militaire n°1 - Station radar d'approche - Alerte générale
L'écran radar avait soudainement viré au rouge et clignotait. L'astsubay : grade de sous-officier dans l'armée amazone. Voir les annexes de ce chapitre pour plus de détail.astsubay Priam contrôla aussitôt les données reçues et interpella son binôme :
- Pélagie ! C'est quoi cette nuée sur l'écran radar ?
Pélagie se retourna et regarda par dessus l'épaule de Priam :
- Ça ! Ça ne peut être qu'une flotte. Le radar va te donner le nombre de vaisseaux qui la compose d'ici peu.
- Une flotte ! Mais c'est impossible ? Nous aurions été prévenus par les satellites radars !
- Logiquement oui mais tu vois comme moi que non. Regarde ! Le radar a déjà accroché plus de 300 silhouettes de vaisseaux... Ils sont déjà en
orbite. J'espère que ça n'est pas pour nous. Je déclenche l'alerte intrusion, de ton côté préviens l'officier de garde.
- OK.
Priam enclencha la communication :
- subay : grade d'officier subalterne dans l'armée amazone. Voir les annexes de ce chapitre pour plus de détail.Subay Aliénor j'écoute.
- Ici l'astsubay Priam du poste de contrôle de la station radar base n°1. Subay, je suis en train de vous envoyer l'aperçu de nos écrans radar. La situation est d'importance et...
Aliénor ne lui laissa pas le temps de finir, elle regardait déjà son écran :
- C'est quoi tout ça ! D'où provient cette flotte ? Il n'y a pas eu d'alerte au préalable ?
- Négatif subay. Tout comme vous nous n'avons eu aucune alerte
préalable... D'après les dernières données, plusieurs de ces vaisseaux entre dans l'atmosphère. Ils se dirigent vers nous.
- Oui, c'est pour nous. Tu as déjà déclenché les alertes ?
- Oui subay, niveau 2.
- Bon, j'enclenche immédiatement le niveau 5. Continuez votre travail et prévenez moi de tous changements.
- Bien compris subay.
La communication fût coupée. Aliénor appuya immédiatement sur le bouton d'alarme de son pupitre de contrôle. Elle envoya également 2 messages d'alerte vers les défenses opérationnelles et contacta directement le poste de commandement du Palais Royal.
Aussitôt, dans tout le district d'Arkadia l'alerte retentit avertissant la population d'un grave danger.
Mais tout alla très vite car, quelques minutes plus tard, les premiers bombardements aériens écrasaient les défenses amazones. Plusieurs postes de défense prêts au combat ripostèrent alors, essayent d'enrailler la progression de la multitude hostile.
Épisode 04 - Torrtur - District d'Arkadia - L'invasion commence
Une 2ème salve de missiles était partie des silos en direction des vaisseaux hostiles qui pénétraient déjà l'atmosphère. Cette fois, 10 vaisseaux furent détruits. C'était bien peu en comparaison des centaines de vaisseaux en approche mais plus il y en aurait de détruit, plus les forces au sol avaient un chance de contrer l'invasion.
À leur tour, les canons à plasma commencèrent à tirer, détruisant 5 nouveaux vaisseaux ennemis. Puis se furent plusieurs missiles d'interception qui
détruisirent à leur tour 5 vaisseaux.
Les défenses faisaient leur travail, essayant de bloquer la multitude de vaisseaux ennemis qui se rapprochait.
Sur la base de défense n°4 qui verrouillait l'accès terrestre et aérien au nord d'Arkadia, les défenseurs exultaient : chacun de leur tir avaient
fait mouche. Cette base était la plus importante. Elle était solidement armée avec 2 canons plasma, 2 pas de tir pour missiles d'interception, 3
silos à missiles et 3 batteries antiaériennes de 10 pièces chacune.
Hélas, leur joie fût de courte durée. La riposte ennemie se tarda pas à tomber, implacable. Un déluge de bombes, de missiles et de plasma satura
complètement les positions amazones. Le vacarme assourdissant des explosions faisait trembler le sol, lézardant les structures bétonnées et blindées profondément enterrées. Les hommes, terrifiés, se recroquevillèrent dans les moindres recoins comme des enfants apeurés. En surface, ceux qui n'avaient pas pu se mettre à l'abri disparurent dans la poussière et les gravas. De même, les coupoles des canons à plasma pourtant prévues pour résister à des tirs directs, furent proprement éventrées comme 2 fruits trop mûres. Les postes de tir missiles qui se trouvaient sur une colline au centre de la base furent réduites à néant. Et même les silos à missiles, bien qu'enterrés, furent broyés comme de simples fétus de paille qu'un géant aurait écrasé entre le pousse et l'index.
Le bombardement dura ainsi une dizaine de minutes qui semblèrent une éternité pour les défenseurs. Lorsque tout s'arrêta, les survivants relevèrent la tête, complètement hébétés. Ils se demandaient bien comment ils avaient pu survivre à cet enfer venu du ciel. Pour ceux qui remontèrent à la surface, ce fût la consternation : la base de défense n°4 était complètement ravagée, en proie à de multiples incendies qui finissaient de réduire en cendre ce qui tenait encore bout. Pourtant, les plus solides d'entre eux tentèrent de redonner de la cohérence à la position, regroupant les défenseurs toujours prêts à se battre. En vain car,
avant même qu'ils ne puissent reprendre leurs esprits, une nouvelle menace apparut venant du ciel. Un essaim de chasseur-bombardiers ennemis arriva en rangs serrés. Par petits groupes, ils plongèrent vers le sol, lâchant leur bombes et tirant sans répit sur tout ce qui n'était pas détruit ou en flamme.
Courageusement, quelques canons antiaériens encore en état de marche ripostèrent, crachant à leur tour une nuée de projectiles vers le ciel. Mais, après 30 minutes de combat désespéré et malgré la destruction de plusieurs chasseur-bombardiers, tous furent réduits au silence.
Alors, comme si elles avaient attendu ce signal, 50 barges apparurent dans le ciel, descendant lentement vers le sol ravagé.
Pour les derniers défenseurs, la chose était entendue, l'ennemi serait bientôt là pour débarquer et envahir cette position stratégique. Il ne restait qu'à résister pour le retarder le plus longtemps possible.
Sur toutes les autres bases de défense d'Arkadia, la même situation se répéta, sans que rien ne puisse s'interposer de façon significative.
Épisode 05 - Torrtur - District d'Arkadia - Sacrifice
Propulsé tel un boulet de canon, le chasseur bleu 20 de type « Flèche-L-RS » filait à vive allure dans le tunnel d'envol. Aux commandes, le subay Pâris, mâchoire tendue, encaissa l'accélération sans broncher. Il se remémorait les derniers ordres donnés par son chef d'escadrille juste avant le départ. La situation était grave, des plus graves même, c'est pourquoi la mission qui leur était confiée; était des plus périlleuses.
Après quelques dizaines de mètres, le chasseur déboucha brutalement à l'air libre. À ses côtés, 2 autres chasseurs sortir de tunnels identiques.
Pâris tira à fond sur les commandes, poussant la propulsion au maximum. Rivés à lui, les 2 autres firent de même.
- Bleu 21 et bleu 22, nous rejoignons l'escadrille, annonça-t-il à ses ailiers. Le chef d'escadrille doit nous suivre d'ici quelques min...
Il fut brutalement interrompu par une vibration intense de l'air qui les entourait. Les 3 chasseurs virevoltèrent pratiquement comme de simples feuilles dans le vent. À une centaine de mètres, ils eurent juste de temps d'apercevoir une multitude de projectiles qui, venant du ciel, se dirigeaient vers le sol.
- Bordel ! s'exclama Clio effrayée.
- Du calme bleu 21, rétorqua Pâris. Nous restons sur notre plan de vol.
- Mais ça allait vers la base d'où nous venons, continua-t-elle.
- Je le sais bleu 21, répliqua Pâris agacé, mais nous avons des ordres qu'il faut exécuter.
- Des ordres ! Mais pour quoi faire ? Ça ne sert plus à rien non !?
- La ferme bleu 21 ! S'emporta Pâris. Tu te concentres...
Il n'eut pas le terminer sa phrase. Une communication du commandement opérationnel l'interrompit :
- Base opération 1 à leader bleu 20, à vous.
- Bleu 20, j'écoute.
- Votre chef d'escadrille a été tué lors du décollage. Vous êtes donc le leader de la mission.
- ...
- Leader bleu 20 ? Répétez.
- Bien compris base opération 1. Suis le leader de la mission...
- Leader bleu 20, mission initiale sur la base 4 annulée. Réaffectation opération identique sur base 3, à vous.
- Bien reçu. Réaffectation opération identique sur base 3.
- OK leader bleu 20... Bonne chance ! Terminé.
- Merci. Terminé.
Pâris se renfrogna un peu plus en rejoignant les autres patrouilles qui les attendaient.
Les choses se compliquaient : ils n'avaient plus de chef d'escadrille, l'effectif de 10 patrouilles initialement prévu était maintenant réduit à 6 patrouilles et l'objectif de la mission était modifié. Tout cela signifiait que la base d'où ils venait de décoller avait subi un fort bombardement, juste après leur départ, et que la base de défense n°4, objectif initial, avait était perdue.
Rapidement il informa les autres leader du nouvel objectif qui leur était assigné. Il avait ouvert la communication à tous les chasseurs et termina simplement par ces quelques mots :
- À tous, pilotes, je ne peux vous imposer cette mission mais vous vous y êtes portés volontaires. Souvenez-vous du serment que nous avons tous faits en devenant pilote : combattre pour protéger, combattre pour servir, combattre jusqu'au sacrifice ultime. Je vous le répète, la mission est simple, détruire le plus de vaisseaux possibles pour retarder l'invasion. Cela étant dit, vous avez toujours le choix : me suivre ou faire demi-tour.
Il n'y eut aucune discussion et aucune dissension. Les 6 patrouilles partirent au complet vers la base de défense n°3 qui protégeait l'est du district d'Arkadia.
Après une poignée de minutes, les vaisseaux arrivèrent en vue de la base qui n'était plus que ruines et décombres. Les dernières défenses antiaériennes avaient déjà été réduites au silence. Alors, une à une les patrouilles fondirent sur les barges qui s'approchaient, prêtes à atterrir pour déverser leur masse compacte de troupes d'invasion.
L'ennemi fût tout d'abord surprit par cette attaque venue du ciel et plusieurs chasseurs-bombardiers d'escorte furent détruits. Mais, la surprise passée, le combat s'équilibra puis devint parfaitement inégal.
Lorsque le 7ème chasseur amazone fut détruit sur les 18 initiaux, Pâris harangua une nouvelle fois ses pilotes :
- À tous, je suis fier de vous avoir connu, d'avoir partagé tant de choses avec vous et de mettre battu à vos côtés aujourd'hui. Vous avez pu voir comme moi les couleurs de l'ennemi. Ce sont des pirates. Vous savez ce que cela signifie : pas de quartier de leur part, aucune pitié, la mort pour tous, y compris les civils, et l'esclavage pour les quelques survivants. Malheureusement nos armes ne suffiront pas à percer le dur blindage de leurs barges d'invasion... Il faut pourtant en tuer le plus possible. J'ai pris ma décision, à vous de prendre la votre.
Oui, il s'était décidé. Depuis le début, il se doutait que cette mission était une mission sans retour. Il allait donc faire le sacrifice de sa vie afin de tuer le plus possible d'ennemis.
Alors, chaque patrouille survivante prit pour cible une barge et, affrontant le barrage de feu qui montait à leur rencontre, tenta de s'en approcher.
- Leader bleu 20 à bleu 21 et bleu 22. Verrouillez vous sur moi. Formation d'attaque. À mon top vous enclenchez l'hyperpropulsion.
- L'hyperpropulsion ? S'exclama Clio. En milieu atmosphérique nous allons être pulvérisés ! Tout ça ne sert à rien... Autant essayer de quitter l'espace pour rejoindre l'une de nos colonies nouvellement créée dans ce système...
Malgré la situation d'extrême danger, Pâris s'emporta soudainement :
- Clio tu fermes ta gueule ! Tu m'entends ! Tu avais largement le choix au départ et tu pouvais partir alors ne m'emmerdes pas avec tes idées de dernières minutes. Maintenant, si tu veux dégager, dégage !
Sous la violence des mots, Clio resta coite. La patrouille bleu 2 approchait déjà de son objectif et, même si Clio le voulait, elle ne pouvait plus faire demi-tour.
- Enclenchement de l'hyperpropulsion, annonça laconique Pâris.
Au même instant, bleu 21 fût détruit par un coup direct d'une tourelle de défense de la barge. Pâris eut un léger pincement au cœur en pensant que les dernières paroles que Clio avait entendues avaient été si dures. Mais déjà, les alarmes signalant une surchauffe et un danger imminent saturaient ses écrans de contrôle. Il eut juste le temps de corriger l'axe de progression de son chasseur vers le poste de pilotage de la barge, avant qu'il ne se transforme en un projectile incandescent.
Les 2 chasseurs de la patrouille bleu 2 percutèrent la passerelle de la barge en son centre et transpercèrent le vaisseau comme 2 rayons lumineux traversent l'obscurité. En perdition, cette dernière effectua une embardée qui la propulsa contre une de ses jumelles toute proche. Elle rebondit et finit sa course en percutant le sol pour disparaitre dans une énorme explosion.
Quatre autres barges subirent le même sort grâce au sacrifice des pilotes de l'escadrille.
Pourtant, les 20 barges restantes continuèrent de progresser et atterrirent bientôt sur les restes fumant de la base de défense n°3, à l'est d'Arkadia.
Épisode 06 - Torrtur - Arkadia - Palais Royal
- Et la base de défense n°3 ? Demanda Lysippé à tous les conseillers qui avaient pu la rejoindre pour cette conférence de crise.
L'un des officiers, Adonis, le plus haut en grade dans l'assistance, répondit :
- Elle vient juste de tomber entre les mains de l'ennemi ma Reine. La base de défense n°2, au sud, est également assaillie de toute part. Elle ne devrait pas tenir plus d'une heure... La plupart de nos troupes sont largement engagées sur une ligne qui va du nord au sud et couvre tout l'est de notre métropole. Plusieurs faubourgs sont déjà atteints et occupés par l'ennemi. Nous savons maintenant que ce sont des pirates...
- Et nous n'avons rien détecté avant leur arrivée alors que notre flotte de guerre est partie pour appuyer de nouvelles colonisations ? L'interrompit Lysippé.
- Hélas... Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé... Répondit Adonis dépité. Il y a...
- Nous verrons cela plus tard. Sinon, quelles sont les bonnes nouvelles ? L'interrompit de nouveau Lysippé.
- Les bonnes nouvelles !? ... Éh bien... Il nous reste la base de défense n°1 à l'ouest et la base principale mais notre spatioport y a été anéanti... Et notre riposte a permis de détruits entre 30 et 40 vaisseaux ennemis...
- Sur combien au total ?
- Sur... Sur plus de 300 d'après nos détections...
- Si peu ! Rien d'autre ?
- Non ma Reine. Nos défenses sont largement réduites maintenant. Je pense que nous ne pourrons pas résister très longtemps... Il nous faudrait des renforts !
Plusieurs officiers acquiescèrent en silence autour de la table.
- Des renforts ! Où voulez-vous que j'en trouve ? Voulez-vous que j'en fabrique !?
Tous restèrent silencieux. Lysippé, un peu désemparée, demanda alors :
- Personne n'a une idée pour essayer de résister ? Que faut-il faire ? laisser tomber ? Fuir comme des lâches ? Et dans tout ça, que va devenir notre peuple ?Une nouvelle fois, seul le silence répondit à ses interrogations. Elle continue son monologue :
- Alors c'est le sauve-qui-peut... C'est fini...
Sa voix se brisa. Ses yeux se remplirent de larmes. Vainement, elle chercha un soutien dans les regards qui l'entouraient. Ses yeux croisèrent soudain ceux de Cassandre, ce jeune officier qu'elle avait côtoyé lors de l'arrivée des Hantariens. Que faisait-elle ici alors que seuls les hauts dignitaires avaient été conviés ? Personne ne l'avait remarquée dans la débandade qui commençait à se faire sentir et cela n'avait choqué personne.
Lysippé lui envoya une supplique silencieuse. Pleine de courage, Cassandre rompit le silence :
- Ma Reine, la situation est dramatique voir désespérée. C'est vrai. Mais il reste encore un peu d'espoir. Voici comment je vois les choses. Si nous,
les militaires, résistons sur place il reste une chance de sauver le plus de monde possible. Il faut diriger les civils et nos blessés vers la base de défense n°1. De là...
- C'est ridicule ! S'emporta alors Adonis. Nous n'avons plus aucun vaisseau spatial d'importance pour évacuer ! Il faudrait peut-être envisager une reddition pure et simple en espérant la clémence de nos vainqueurs.
- Une reddition ! Tu n'y penses pas ! S'écria Lysippé. Tais-toi !
Adonis resta bouche bée sans plus rien dire. Elle se tourna de nouveau vers Cassandre :
- Continue.
- Je disais que le regroupement devrait se faire vers la base de défense n°1 et que de là nous pourrions nous éparpiller dans la grande forêt qui s'étend à perte de vue. Il y a une chance qu'ils ne nous y poursuivent pas. De plus les Hantariens s'y trouvent. Ils ont de l'équipement et quelques forces qui permettraient d'établir une défense en lisière pour recueillir notre peuple et nos forces en retraite... Pour ce qui est des troupes, nous pouvons faire appel aux volontaires qui souhaitent se battre. Cela devrait permettre de renforcer un peu nos défenses.
- Voilà ! C'est cela que j'attends de vous.
Le cerveau de Lysippé s'emballa alors, scrutant et calculant toutes les possibilités. Les "pour", les "contre" et les aboutissements envisageables.
C'est le moins pire... Se dit-elle.
Sa réflexion n'avait durait qu'une poignée de secondes. Elle conclut alors à haute voix :
- C'est ce que nous allons faire et j'en prends la responsabilité : nous évacuons tout ce que nous pouvons dans la grande forêt à l'ouest. Je contacte immédiatement les Hantariens. Que l'on envoie 5 lances de ma Garde à la lisière pour épauler les Hantariens, que le reste de ma Garde rejoigne nos défenses et que des milices de volontaires soient armés. Vous, les officiers, rejoignez vos postes et combattez. Pour les administrateurs civils, faites passer le mot : évacuation vers l'ouest.
Un faible espoir venait de naître dans chaque esprit. Tous quittèrent la pièce pour mener à bien l'évacuation. Alors que Cassandre allait sortir à son tour, Lysippé l'interpella :
- Cassandre ! Tu prends le commandement des 5 lances de combat et tu rejoins les Hantariens.
- À vos ordres ma Reine.
Cassandre salua puis quitta la pièce. Derrière elle, Lysippé, protégeait pas sa garde personnelle, décrocha un communicateur afin de prendre contact avec les Hantariens.
Épisode 07 - Torrtur - Arkadia - Quartiers Est - Engagement
Les 2 sections du corps franc n°27 finissaient de débarquer des véhicules lourds de transports. Slaine héla l'adjudant Helmut REICH :
- Mouvement immédiat. Vous prenez la section 2, en pointe. Je vous suis avec la 1. Éclairez la progression avec 4 de vos droïdes et 2 hommes qui connaissent le quartier. Nous sommes à 700 mètres de la position que nous devons atteindre.
- A vos ordres lieutenant.
Il la salua rapidement et aboya ses ordres.
Avant de pouvoir se déployer et progresser selon les ordres, la troupe dut traverser une foule de civils et de blessés qui se pressaient pour embarquer dans les transports qu'elle venait de quitter. De cette masse de silhouettes grises de poussières, on remarquait principalement les regards terrifiés des enfants et ceux complètement vides des soldats blessés. Beaucoup ne pourraient pas embarquer dans les véhicules et devraient encore marchaient pour tenter de rejoindre la zone de refuge, à l'Ouest d'Arkadia.
Après quelques minutes, le corps franc se trouva seul et continua sa progression dans le dédale des rues de ce quartier populaire de l'Est de la ville. Les rues étaient maintenant désertes et silencieuses mais, en provenant du Nord-Est, on entendait le grondement étouffé de déflagrations. Les visages se fermèrent aussitôt, chacun scrutant les alentours prêt à faire feu.
De son côté, Slaine n'en revenait toujours pas.
Le matin même elle s'était rendue en ville sur la demande de la Reine Lysippé pour retrouver Thélémaque. Elle l'avait retrouvé dans un bar où il avait l'habitude de "refaire le monde" avec sa bande d'amis. Tandis qu'elle essayait de le convaincre de reprendre contact avec sa cousine, les alarmes s'étaient déclenchées et des messages d'alertes furent diffuser sur les écrans. Arkadia était envahie ! Tout le monde se regarda incrédule. Ensuite tout alla vite. Thélémaque voulait rejoindre les combattants. Bien évidemment, ses camarades voulaient le suivre. Elle avait eu toutes les peines du monde à le retenir. Seule l'intervention de Kedi l'avait bloqué pour un temps. Puis elle avait reçu un appel de son supérieur, le capitaine ZEJEWSK qui lui donnait l'ordre d'aider les Amazones là où elle se trouvait. Au même instant, une annonce télévisée exhortait les volontaires à se présenter dans la caserne la plus proche pour s'engager. Alors elle s'était décidée à suivre Thélémaque et ses camarades pour garder un œil sur lui comme elle l'avait promis à la Reine Lysippé. Ils avaient donc rejoint la caserne la plus proche pour s'enrôler. Des ordres provenant de l'état-major les avaient précédés et Slaine s'était retrouvée commandant d'un corps franc de 40 hommes. Dans cette unité, 2 sous-officiers hantariens accompagnant 8 droïdes d'une unité de démonstration avaient été intégrés. Eux aussi avaient reçus des ordres. En accord avec les dirigeants hantariens, leurs équipements initialement prévus pour une présentation avaient été versés pour équiper le corps franc. Les 40 volontaires reçurent armes et munitions. Répartis dans 2 sections, ils furent aussitôt envoyés vers la ligne de front. Maintenant, il était midi et elle se retrouvait, avec des hommes qui ne se connaissaient pas, en route vers une position stratégique pour tenter de retarder l'invasion.
Tandis qu'elle se remémorait tout cela, un appel grésilla dans son communicateur :
- De section 2 à section 1.
- Ici section 1, parlez section 2.
- Avons pris contact avec l'unité présente sur l'objectif. RAS. Vous pouvez rejoindre.
- Bien reçu. Nous arrivons. Section 1, terminé.
- Section 2, terminé.
Slaine était rassurée. Ils avaient au moins rejoint la position sans aucune casse et c'était déjà bien. Elle regarda les soldats qui l'entouraient. Certains étaient si jeunes ! Elle croisa le regard de Thélémaque qui inclina légèrement la tête comme pour la saluer puis, d'un regard méfiant, il observa Kedi qui se tenait à côté d'elle. L'animal ne lui inspirait vraiment pas confiance. Les mauvais souvenirs étaient tenaces.
- Nous arrivons ! Annonça-t-elle à haute voix. Restez sur vos gardes. Progressez en file indienne sur la droite de la chaussée, le long du mur. Au prochain croisement, nous y serons.
Tandis que la section continuait d'avancer, ils croisèrent quelques ombres qui fuyaient, serrant contre elles de maigres baluchons qui étaient tout ce qui leur restait dorénavant.
Épisode 08 - Planète Lara - Flotte de colonisation en orbite - Les ordres pour la survie
Nima enrageait :
- Nous sommes maudits ou quoi !
Sur la passerelle de la corvette qu'elle commandait, personne n'osa lui répondre. Elle venait d'être avertie par le capitaine Tatiana ZEJEWSK de l'attaque sur Arkadia. En plus, l'appel avait été coupé et impossible de recontacter l'arche hantarienne ou le palais royal amazone.
- Allons-nous sortir un jour des problèmes ! Serons-nous tranquille sans que l'on vienne nous emmerder tous les 2 jours !
De nouveau personne ne répondit. De toutes façons, elle n'attendait pas de réponse et cela la soulageait de parler, comme si elle se libérait d'un poids qu'elle portait depuis trop longtemps.
Elle fut pourtant interrompue dans son monologue :
- Commandant ! Le capitaine ZEJEWSK est de nouveau en ligne. Elle souhaite vous parler.
- Passez la moi. ... Capitaine ?
- Commandant ! Désolée, la communication a été coupée, l'ennemi brouille toutes nos communications. Comme j'étais en train de vous le dire, les Amazones ont demandé notre aide pour établir une ligne d'arrêt et de repli en lisière de la forêt. Le but est d'éparpiller la population dans la forêt afin de la mettre à l'abri. J'ai donné mon accord et envoyé la demie légion que nous avons reconstitué sur zone mais j'aimerais avoir votre avis...
- Vous avez bien fait capitaine. Je vous fais entièrement confiance. De notre côté, la colonisation est en cours et, en partant maintenant, nous ne serons pas de retour avec demain au plus tôt. Quels que soient les événements, nous serons là. Tenez bons ! Refusez tout choc frontal tant que vous le pouvez. Adoptez la défense élastique. Donnez le commandement de notre légion au lieutenant PÉPÉ-GUÈS. De votre côté, faites évacuer complètement l'arche, il ne faut pas essayer de la défendre, nous verrons
si elle est toujours là à mon retour. Dispersez nos survivants et sauvez les du massacre. Ce sont mes dernières consignes... Bonne chance à vous et à demain.
- Merci commandant. Nous vous attendons. Nous résisterons comme notre peuple l'a toujours fait. À très bientôt...
La communication se coupa à nouveau.
Sur Arkadia, à bord de l'arche hantarienne, Tatiana prit quelques secondes pour se calmer. C'était vraiment un coup du sort car c'était la 1ère fois que le commandant s'absentait depuis leur crash sur cette planète et il fallait qu'il y ait une situation de crise. Maintenant tout reposait sur ses épaules. Elle prit une profonde inspiration et tapa rapidement sur sa console l'ordre d'évacuation de l'arche. Au même instant la porte s'ouvrit et May entra dans la pièce :
- Lieutenant May PÉPÉ-GUÈS au rapport ! À vos ordres capitaine ! Aboya May avec sourire narquois.
- Arrête tes bêtises tu veux... soupira Tatiana. Je t'ai fait appeler pour te signifier que tu prenais le commandement de la demie légion. Ordre du commandant. Les troupes sont déjà en route par petits groupes, pour rejoindre la lisière de la forêt entre nous et la cité d'Arkadia à l'Est. Tu dois les rejoindre.
- Bien reçu ! Continua Mays sur le même ton mais devant le regard sombre de Tatiana elle cessa son jeu et reprit plus sérieusement :
La situation est aussi grave que ça ?
- Oui... Cette fois je ne sais pas si nous allons en réchapper... Prends contact avec les troupes amazones. Il faut coopérer pour avoir une chance de s'en sortir... Fixe l'ennemi. N'essaye pas de le détruire. Décroche si il faut. Le but est de survivre et surtout de laisser le temps aux civils en provenance de la cité, de rejoindre l'abri de la forêt.
- OK... Mission de la dernière chance...
- Oui, il y a de ça... Fais vite ! Le temps nous est compté.
Alors que May allait quitter la pièce, Tatiana la rejoignit et la retint par le bras. Sans que May n'ait le temps de faire un mouvement, Tatiana l'attira contre elle. Sans un mot elles s'embrassèrent longuement, oubliant un court instant les difficulutés qui les attendaient à dehors.
- Fais attention à toi mon amour, dit simplement Tatiana.
May se serra un peu plus contre elle et lui répondit :
- À tout à l'heure ma douce.
Puis, elle lui déposa un léger baiser à la base du cou et quitta rapidement la pièce sans se retourner.
Tatiana resta un court instant à fixer la porte. Puis elle frissonna et reprit la tâche qui lui était assignée : sauver ses compatriotes.
Épisode 09 - Torrtur - Est d'Arkadia - Caserne n°5 – Déploiement
Le tsubay Hector étala la carte sur la table qui trônait au milieu de la pièce.
- Vous voyez lieutenant Slaine, ici nous occupons la caserne n°5. C'est une solide position qui peut résister gràce ses casemates enterrées. Ses flancs sont défendus par six lances de la garde royale, trois le long de la perspective "Nathalia" et les trois autres de la perspective "Grande Fosse" sur 700 mètres. Au delà, nos défenses sont plus faibles. Avec vos deux sections vous allez occuper le bâtiment H ici afin de couvrir la zone 3 d'où peut déboucher l'ennemi. Il faut espérer que l'ennemi tombe dans la solution de facilité et se précipite directement sur nous. Cela nous permettra de le fixer un moment. Une heure serait bien mais... je table plutôt sur une demie heure. Lorsque la position sera débordé sur sa droite ou sa gauche, il faudra décrocher en bon ordre, éviter toute débandade et tenter de continuer de se battre.
Slaine était restée silencieuse. Elle évalua rapidement la position sur la carte. C'était jouable et, malgré la faiblesse de l'effectif, si tout se passait correctement, cela permettrait peut-être de retarder l'ennemi pendant une trentaines de minutes.
Sans attendre de réponse, Hector continua :
- Nous avons 4 armes lourdes d'appui sol qui peuvent détruire des véhicules blindés. Plus deux armes antiaériennes qui font des ravages avec leur cadence de tir sur les troupes à pied. Nous avons aussi 15 armes d'appui-feu... Vous en a-t-on fourni pour vos sections ?
- Oui, une par section. J'ai également 8 droïdes de combat hantariens qui peuvent faire la différence dans ce genre de situation.
- Bien, nous verrons cela. Allez immédiatement occuper les positions du bâtiment H avec vos sections. Cela va libérer quelques uns de mes hommes et permettre de renforcer les autres défenses.
- Bien reçu, tsubay.
Slaine salua d'un bref mouvement de tête et sortie de la pièce pour rejoindre son unité. À l'extérieur elle appela :
- Mon adjudant !
L'adjudant REICH la rejoignit rapidement :
- Lieutenant quels sont les ordres ?
- Nous allons relever une unité amazone dans le bâtiment juste en face. Votre section, la "Deux", est la plus expérimentée avec ses 8 droïdes et le groupe de combat de l'astsubay Thalès, vous allez donc occuper l'étage et le toit du bâtiment. Dispersez les hommes en essayant de les protéger au maximum du feu ennemi. De mon côté, avec le sergent MARKOVNA POPOV, je vais occuper le rez-de-chaussée du bâtiment et le sous-sol où je compte placer les 2 KKR.
- Bien reçu lieutenant. Des consignes particulières ?
- Oui dès que nous serons débordés, il faudra décrocher rapidement. Je commencerai avec la "Une" tout en laissant les armes d'appui feu puis se sera à votre tour et le reste suivra. Vous avez d'autres questions ?
L'adjudant resta silencieux puis osa une question :
- Et votre animal ?
Slaine sourit :
- Ne vous inquiétez pas pour lui. Il va se gérer tout seul.
- OK. Je pars avec la "Deux" pour prendre position.
- Bien. Nous gardons le contact aux transmissions. Dites-moi quand vous serez en place.
L'adjudant salua. Il appela sa section qui lui emboita le pas pour occuper les positions à l'étage et sur le toit. Puis, sur un geste de Slaine, ce fut au tour de la "Une" de s'engouffrer à sa suite dans le bâtiment H.
Épisode 10 - Torrtur - Est d'Arkadia - Caserne n°5 - Bâtiment H - Casemate souterraine H1 – Défense
La casemate vibrait sous le choc des explosions. Une fine poussière tombait du plafond à chaque ébranlement de la structure, recouvrant toute la pièce d'un linceul gris. Par expérience, Ajax avait jeté une couverture sur le KKR qui trônait devant l'embrasure verrouillée qui donnait sur l'extérieur. Cette mitrailleuse hantarienne était de conception simple : il n'avait eu aucun problème à la mettre en œuvre. Dehors, le bombardement semblait augmenter en intensité. Ajax regarda la jeune engagée qui lui avait été associée en tant qu'approvisionneur. Elle s'était recroquevillée sur une banquette qui longeait l'un des murs intérieurs et claquait des dents. Ses yeux exorbités indiquaient bien la terreur qu'elle éprouvait.
Juste une gamine qui s'est enrôlée plein d'entousiasme sans savoir ce qui l'attend... Pensa-t-il en secouant la tête.
En tant qu'ancien militaire il savait. Il secoua la tête une nouvelle fois et soupira. Cette gamine avait juste quelques années de plus que ces deux filles qu'il avait dû laisser avec leur mère. Elles devaient être à l'abri maintenant, tout du moins, il l'espérait.
Instinctivement, il se rapprocha de la jeune femme et la prit par les épaules :
- Du calme Sophia. C'est juste du bruit. Il ne peut rien nous arriver ici. Je connais cet endroit. Il y a de ça 20 ans maintenant, c'est ici que passaient les fortifications de la ville. Le bastion fortifié qui se trouvait à cet endroit défendait la porte Nord-Est. J'ai fait mes classes ici. Mêmes si les murs en surface ont disparu, ceux des fondations sont solides. Y compris ceux de cette casemate.
Comme rassurée par cette voix paternelle, Sophia se détendit légèrement. Elle posa le front sur l'épaule d'Ajax tentant de sécher ses larmes et de clamer les tremblements qui parcourraient ses bras.
Brusquement, la porte blindée au fond de la pièce s'ouvrit, les faisant sursauter. Ajax se redressa pour saluer. Les vieux réfkexes avaient décidément la vie dure. En face, l'officier le rassura :
- Repos... Je suis le lieutenant Slaine NAUX. Je fais partie des Hantariens que votre peuple a acceuilli. C'est moi qui commande le corps franc. Je venais juste m'assurer que...
En disant cela, Slaine jeta un œil dans la pièce et plus particulièrement vers la meurtrière verrouillée qui barrait horizontalement le mur d'en face.
- Je vois que vous avez pris soin de votre arme. Ancien militaire ?
- Oui. De la Garde Royale.
- Parfait ! Votre position est primordiale. Vous devez tenir jusqu'à ce qu'on vous dise de décrocher.
- À vos ordres.
Puis elle regarda la jeune femme :
- Et Sophia ?
- Vous la connaissez ?
- Oui, j'étais avec son groupe d'amis lorsque tout ça a commencé... Ils se sont tous précipités...
- Ça va aller. Un passage à vide mais... Je ne la laisserais pas tomber de toutes façons.
Slaine allait répondre lorsque le bombardement cessa. Son visage se tendit aussitôt :
- L'assaut va avoir lieu. Je vous laisse. Verrouillez la porte. Attendez l'ordre de tir. Et surtout, ne quittez la casemate que lorsque l'on viendra vous chercher.
Avant qu'Ajax ne réponde, elle quitta la pièce. Il verrouilla la porte derrière elle puis se retourna vers Sophia :
- Les choses sérieuses vont commencer. Tu vas me passer les munitions au fur et à mesure que le chargeur engagé dans l'arme se vide. OK ?
Sophia le regarda comme si elle sortait d'un mauvais rêve :
- ...
- Sophia, il va falloir que tu réagisses et que tu m'aides. Tu t'es engagée pour combattre alors fais le. En avant !
- Euh... Oui... Que dois-je faire axactement ? répondit Sophia contrite.
- Regarde c'est très simple.
Il retira la couverture de la mitrailleuse, pris un chargeur qu'il emboîta sur le magasin de l'arme. Un léger claquement se fit entendre.
- Tu vois ?
- OK. Et je dois faire ça quand ? Répondit Sophia qui semblait soudain reprendre pied.
- Je te ferai signe. Il faut aller vite pour éviter toute interruption pendant le tir.
- D'accord.
Ajax déverrouilla la trappe blindée puis fit glisser l'arme sur le rail où elle était fixée. Tout fonctionnait : leur arme était prête à donner la mort.
Devant eux, nul ennemi n'était visible pour le moment.
Regard tendu, ils scrutaient la zone dégagée qui s'étalait devant eux. Bientôt, à travers la poussière et la fumée, ils distinguèrent des silhouettes se dirigant droit dans leur direction.
Ajax empoigna le KKR, attendant l'ordre de tir. Après de quelques secondes qui semblèrent une éternité, plusieurs explosions au sol cisaillèrent les premières silhouettes en approche.
- Mines claymore, grommela Ajax entre ses dents.
Au même moment, le communicateur accroché à son épaule grésilla :
- À toute la "Une", ouverture du feu.
Aussitôt, il pressa la détente de la mitrailleuse qui cracha une nuée de projectiles. Face à lui, des silhouettes s'affalèrent. Il fit glisser l'arme sur le rail, balayant la zone d'un feu meurtrier. Au bout d'une quarantaine de secondes, il s'adressa à Sophia sans la regarder :
- À toi !
Avant que le magasin de l'arme ne soit complètement vide, l'ancien chargeur avait été éjecté et Sophia y enclencha un nouveau. Les projectiles continuaient de sortir de l'arme à une cadence infernale. Les deux soldats, concentrés sur leur tâche, continuaient de répandre la mort devant eux.
Épisode 11 - Torrtur - Est d'Arkadia - Caserne n°5 - Corps Franc n°27 - Repli
Les projectiles ricochaient sur le blindage du véhicule qui s'approchait.
Ça ne sert à rien. Juste du gaspillage de munitions. En plus, il n'a pas d'armement lourd ! Se rassura Ajax.
Il dévia le tir de la mitrailleuse sur les assaillants qui s'étaient démasqués de part et d'autre, au delà de la protection du blindé. Cela les obligea aussitôt à se remettre derrière lui. Il continua à arroser les alentours, empêchant les fantassins de progresser mais pas le véhicule qui avançait toujours, imperturbable. Il fit de nouveau signe à Sophia qui enclencha un chargeur plein sur le KKR.
Soudain, un long tube surgit à l'avant du véhicule. Tout d'abord interloqué devant ce simple tuyau d'apparence inoffense, il réalisa très vite son erreur :
- Saloperie !
Comme pour confirmer son angoisse, une longue langue de feu sortie du tube et percuta le sol à 5 mètres de la casemate. Une chaleur étouffante y pénétra aussitôt. Gorge nouée, une sueur glaciale lui coula le long du dos. Il commençait à suffoquer :
Ne pas paniquer ! Reste calme, reste calme...
Les mains moites, Ajax orienta de nouveau son tir sur le véhicule sans résultat notable. A ses côtés, Sophia lâcha le chargeur qu'elle tenait et recula vers le fond de la pièce en poussant un cri de bête apeurée. Il n'essaya même pas de la rassurer. Il lâcha son arme pour verrouiller la meurtrière en espérant que le liquide enflammé ne pénètre pas à l'intérieur. Inexorablement, la langue de feu se rapprochait d'eux. Pourtant, alors que tout espoir semblait perdu, le véhicule explosa subitement et disparut dans une gerbe de flammes qui monta vers le ciel. Soulagés, les 2 mitrailleurs reprirent le contrôle de leurs nerfs et continuèrent leur œuvre de mort sur les assaillants qui se retiraient précipitamment pour se mettre à couvert.
À 30 mètres de là, dans la casemate G2, des défenseurs jubilaient :
- Dans le mille ! Nous l'avons pulvérisé.
Fiers de leur exploit, les servants de l'arme lourde positionnée dans la casemate la réarmèrent, cherchant déjà une autre cible à détruire.
Plus en arrière, dans le poste de commandement de la caserne n°5, le tsubay Hector reçut un appel du GQG :
- Les lignes de défense au Nord de votre position ont été enfoncées. Les 3 lances de la Garde qui couvrent votre flanc gauche ont déjà reçu l'ordre de reculer et d'essayer de se battre pied à pied. Vous allez en faire de même et vous retirer afin d'éviter l'encerclement. Essayer de rétablir une position défensive au Palais Royal.
- Au Palais Royal ! Mais c'est à plus de 5km d'ici ! À pied ! Vous nous l'impossible.
- Ce sont les ordres. A vous de vous sortir de ce guêpier. Bonne chance. Terminé.
La communication se coupa.
Finalement, la position avait contenu l'ennemi pendant trente minutes. C'était toujours ça de gagné. Hector informa immédiatement les commandants d'unités présents sur la position pour qu'ils se replient rapidement.
Dès qu'elle reçut l'ordre, Slaine prit ses dispositions. Elle appela le sergent MARKOVNA POPOV :
- Sergent ! Faites partir les 3 groupes de combat de la section immédiatement vers le point de repli... Ici.
Elle pointa l'endroit sur son écran tactile où s'affichait la carte de leur position et le trajet prévu pour le repli.
- C'est à 300m. Vous suivrez ensuite avec le groupe de commandement. La section 2 vous emboîtera le pas. Je partirai en dernier avec le groupe d'appui.
- Reçu lieutenant.
Les ordres furent transmis et les groupes partirent un par un toutes les 30 secondes. Lorsque le 2ème groupe de la section 2 partit à son tour, Slaine appela les 2 équipes de mitrailleurs pour qu'elles évacuent à leur tour. Au moment où l'adjudant passa à sa hauteur, elle l'interpella :
- Des pertes pour la 2 ?
- J'ai perdu un droïde et 2 hommes... J'ai aussi un blessé léger. Et vous ?
- Juste un blessé léger. Allez y ! Ne traînons pas. Je vous suis.
L'adjudant et son groupe de commandement partit aussitôt. Quand ce fût au tour du groupe d'appui, Slaine dit simplement :
- Accrochez vos munitions sur le harnais de Kedi. Il y a 300 mètres à faire. Il ne faut pas traîner.
Kedi encaissa le poids des chargeurs sans broncher. Les mitrailleurs partaient déjà en file indienne, courbés sous le poids de leurs armes.
Ça va aller ? Demanda-t-elle à Kedi.
À l'aide de son communicateur, Slaine tenta sans succès de joindre le tsubay Hector. Ne voyant aucune troupe amazone sortir des bâtiments, résignée, elle s'éloigna à son tour. Alors qu'elle avait parcouru d'une centaine de mètres, d'énormes explosions ébranlèrent le sol en faisant vibrer l'air derrière elle. L'ennemi s'était remis à bombarder la position mais cette fois les chasseurs bombardiers et l'artillerie au sol étaient remplacés par les pièces de gros calibres des vaisseaux spatiaux. Bientôt, il ne resterait plus grand chose de la caserne n°5.
Épisode 12 - Torrtur - Centre d'Arkadia - Corps Franc n°27 - La désillusion et l'horreur
Depuis que le Corps Franc n°27 avait quitté la caserne, il avait progressé de plus de 3km dans le dédale des rues de la ville pour rejoindre l'objectif. Aucune troupe amazone n'avait été rencontrée. Aucune position de défense organisé. Rien. De plus, les jeunes volontaires commençaient à se fatiguer et, sans cesse, il fallait les pousser pour qu'ils repartent de l'avant.
Après une longue progession sans rencontrer âme qui vive, le corps franc arriva enfin à 1000 mètres de l'objectif : le Palais Royal. Sans prendre le temps de souffler, plusieurs groupes de la "Une" avaient été envoyés en avant, afin d'éclairer la progression. Tandis que le reste de l'unité aux aguets reprenait son souffle, les débris d'une lance de la Garde arriva sur la position. Il s'en fallut de peu pour que les deux troupes ne s'entretuent. L'adjudant REICH par sa maîtrise et son sang froid empêcha la méprise. Il tenta d'interroger le soldat qui commandait sans avoir de réponse à ses questions. Il l'ammena rapidement à Slaine :
- Le Palais Royal... L'ennemi est là-bas ! Il attend ! Tous sont massacrés... Il faut faire demi-tour ! C'est tout ce que Slaine réussit à obtenir du soldat épuisé.
Inquiète, elle avait tenté de joindre les groupes de sa section afin qu'ils stoppent et rebroussent chemin rapidement. Un seul avait répondu, celui du sergent Miléna MARKOVNA POPOV. De son côté, l'adjudant REICH avait déployé la "Deux" en hérisson afin de parrer à toutes éventualités. Malheureusement, deux groupes de combat et le groupe d'appui de la "Une" n'avaient pas répondu à l'appel de Slaine. Sans plus attendre, Slaine ordonna à Miléna de continuer avec deux de ses hommes pour retrouver les groupes manquant.
Miléna était partie à leur recherche accompagnée de Thélémaque et d'un de ses camarades, Andréas. En chemin, ils avaient retrouvé le groupe de combat n°2 que Miléna avait immédiatement redirigé vers le corps franc 50m en arrière. Puis les trois soldats étaient repartis et, 200m plus loin, avaient retrouvé une partie du groupe d'appui en pleine fuite. Ce que les 2 mitrailleurs racontaient n'avait aucune cohérence. Ils parlaient d'embuscade et de morts sans donner plus de détails. Miléna les calma pour qu'ils retrouvent leurs esprits et les aiguilla afin qu'ils retrouvent le reste de l'unité. Malgré leur précipitation, ils n'avaient pas abandonné leur KKR qu'ils emportèrent précieusement.
Tout autour, des tirs se faisaient entendre, raisonnant entre les murs des rues étroites. La progression du trio se fit plus lente. Il était tendu, sur le qui-vive, surveillant chaque recoin d'où pouvait apparaître une menace.
Alors qu'ils arrivaient à un croisement, ils tombèrent sur des cadavres de civils, massacrés dans leur fuite. Miléna frissonna, elle n'aimait vraiment pas la tournure que prenaient les événements. Cela se confirma au bout de la rue où gisaient les corps de deux hommes qu'ils recherchaient. Sans s'attarder, ils continuèrent d'avancer et débouchèrent sur une petite place où régnait un silence de mort. De nombreux cadavres d'ennemis et de civils jonchaient le sol. En observant la scène, le groupe comprit où avaient dû se réfugier leurs camarades : de l'autre côté de la place, un bâtiment à moitié détruit dominait la scène. Il s'y précipitèrent, s'engouffrant par la porte défoncée. Là le corps d'un camarade gisait parmi les décombres. Précautionneusement, Miléna se dirigea vers le fond de la pièce pendant les autres restaient en retrait, prêt à faire feu. Derrière un retranchement de fortune, elle découvrit un corps, celui du tireur de la KKR. Il s'était affalé sur son arme, la tête ensanglantée. Perplexe, elle se retourna vers Andréas et lui ordonna :
- Il nous en manque toujours deux. Fouille les étages. Vite !
Puis elle se tourna vers Thélémaque et lui dit :
- Récupère la mitrailleuse.
Thélémaque empoigna le corps du mitrailleur et, la mine dégoûtée, le retourna pour en extirper l'arme. Miléna continua :
- Reste ici, je vais voir dans l'autre pièce juste derrière.
En y pénétrant, Miléna eut un haut-le-cœur. Ce qu'elle découvrait ici dépassait de loin tout ce qu'elle avait pu voir au cours de sa carrière militaire. La pourvoyeuse de la mitrailleuse était étendue là, éventrée. Une mare de sang frais attirait déjà les insectes qui bourdonnaient en tout sens. En s'approchant, Miléna étouffa un cri : la jeune femme avait subi un calvaire... Son pantalon déchiré et roulé sur les chevilles ainsi que les nombreuses marques sur ses cuisses nues ne laissaient aucun doute sur ce qu'il s'était passé... Le cœur au bord des lèvres, Miléna s'approcha encore un peu du corps inerte. Du visage martyrisé à la mâchoire brisée, seul les yeux clairs restés ouverts. Cette vision était insupportable ! Pleine de pitié, Miléna s'approcha pour simplement les fermer. Brutalement, son geste fût interrompu par une main ensanglantée qui lui saisit le poignet. Les yeux venaient de bouger et la regardaient fixement. De nouveau, Miléna étouffa un cri.
- Tu n'es pas morte !? Se surprit-elle à dire.
Ne sachant quoi faire, elle lâcha son arme et serra dans les siennes la main qui l'avait agrippé. Désemparée, Miléna pensa :
Nous sommes du même âge. Ça aurait pu être moi !
Hélas, le cauchemar n'était pas fini et, dans un murmure, la mourante l'implora :
- M... Mal... Mou... Mour... Mour... ir...
Les yeux remplit de larmes, Miléna tenta de la calmer :
- Doucement. Calme-toi... Nous sommes là... Ça va aller...
Que pouvait-elle dire de plus ? Elle restait là, sous le choc, face à cette situation d'horreur absolue qui la remuait au plus profond d'elle-même.
Comment peut-on faire ça ? Ne cessait-elle de se répéter.
De son côté, n'entendant plus son supérieur, Thélémaque entra dans la pièce. À la vue de la scène, il poussa un hurlement d'effroi :
- Sophia ! Non !!!
Puis il se détourna et vomit contre le mur tout proche.
- Sors ! Lui ordonna Miléna. Sors immédiatement !
Le jeune homme sortit précipitamment de la pièce en trébuchant. Miléna, bien que désespérée, prit alors une profonde inspiration, résignée. Elle le savait, il ne lui restait qu'une seule chose à faire. De l'une de ses poches, elle sortit une fine ampoule à laquelle elle fixa une aiguille. Puis, sans plus attendre, elle la planta dans le bras de Sophia qui se détendit enfin. Les yeux semblaient de la jeune femme lui sourire comme pour la remercier. Elle leur sourit en retour :
- Tu vas t'endormir... Laisse-toi aller... Tout est fini...
Dans la pièce d'à côté, elle entendit Andréas qui venait de redescendre des étages :
- J'ai trouvé Minos planqué dans un mur ! Je ne sais pas comment il a fait... Il est complètement apathique, prostré.. Terrorisé... Thélémaque ! Tu m'écoutes ? Oh ? Où est le sergent ? Thélémaque ! Qu'est ce que tu as ?
Seuls les sanglots étouffés de Thélémaque lui répondirent.
Quelques secondes plus tard, les yeux clos, Sophia s'en était allé.
Épisode 13 - Torrtur - Centre d'Arkadia - "Il faut sauver le Corps Franc n°27"
- Groupe T à autorité.
- Ici autorité, parlez groupe T.
- Avons sécurisé l'entrée du collecteur. Plusieurs hostiles neutralisés. Zone dégagée.
- Bien pris Groupe T. La "Deux" vous rejoint avec les Gardes. La "Une" est encore à 300m. Parez à toutes éventualités et gardez la zone. Terminé.
- Bien reçu terminé.
Slaine coupa la communication.
Depuis qu'elle avait appris que le Palais Royal était aux mains de l'ennemi et qu'ils étaient isolés sur les arrières de l'ennemi sans aucun contact avec des unités amies, Slaine avait complètement réorienté la progression du corps franc. Après avoir consulté les différents plans de la ville qu'elle possédait, elle avait décidé de se diriger au Nord-Ouest afin d'éviter les combats qui continuaient de se dérouler en ville sur une ligne qui allait du Sud à l'Ouest. Cela faisait une quinzaine de kilomètres à parcourir mais c'était la seule solution possible.
Ayant découvert qu'un collecteur d'égouts pouvait leur permettre de franchir les 3/4 du trajet sous terre, elle avait aussitôt dépêché le groupe de l'Astsubay Thalès de la "Deux" pour en sécuriser l'accès. C'était chose faite et bientôt le corps franc, renforcé par les gardes royaux amazones qui s'étaient joints à lui, se retrouva regroupé aux abords du bâtiment de pompage qui permettait d'y accéder.
Déjà, les droïdes de la "Deux" avaient été envoyé dans le collecteur pour éclairer la progression. Arrivée sur place, Slaine envoya immédiatement à la suite l'adjudant Reich et son groupe de commandement, puis les hommes de la Garde Royale et enfin le groupe d'appui réorganisé de la "Une". Il ne restait plus que sa section de commandement, le groupe M de la "Une" et le groupe T de la "Deux" qui, après en avoir sécurisé les abords, rejoignait l'entrée du collecteur.
L'astsubay Thalès entra dans la pièce poussant devant lui deux soldats ennemis.
- Ils allaient exécuter trois des nôtres, annonça-t-il laconique en montrant les soldats amazones rescapés qui se tenaient derrière lui.
Avant que Slaine ne commence à parler, le sergent MARKOVNA POPOV bondit sur ses pieds les yeux plein de haine :
- Laissez-les-moi ! On va s'amuser un peu. Après tout, chacun son tour non !?
Slaine la coupa sèchement :
- Sergent ! Vous prenez votre groupe auquel je joins les rescapés que vient de nous ramener l'astsubay Thalès...
- Mais lieutenant ! S'insurgea Miléna.
- Ça suffit ! Rejoignez immédiatement le collecteur avec vos hommes.
- Mais vous ne comprenez pas ! Ils doivent payer !!!
- Je comprends parfaitement sergent mais vous frisez l'insubordination ! Et je n'ai pas le temps de discuter avec vous... C'est un ordre ! Rompez !
La tension était palpable. Tous sentaient que Miléna allait refuser d'obéir. Dans la pièce, Kédi se mit à grogner, montrant ses crocs acérés. Alors, dans le dos de Miléna, se fit entendre la voix de Thélémaque :
- Sergent ? Allons-y sergent. Cela ne changera rien... À quoi bon... Souvenez-vous de Sophia mais ne faites pas comme eux...
La tension disparut aussitôt du visage de Miléna et des larmes emplirent ses yeux. Elle les essuya d'un revers rageur de main puis, résignée, elle fit signe à ses hommes de s'engager à leur tour dans le conduit d'égouts. Avant qu'elle ne quitte la pièce elle entendit Slaine murmurer :
- De toutes façons, nous ne pouvons pas nous encombrer avec eux alors...
Avant d'avoir fini sa phrase, le lieutenant avait dégainé son arme de poing et exécuté les deux prisonniers d'une balle dans la tête.
- ... autant en finir tout de suite.
Miléna se retourna surprise. Slaine, le regard sombre, lui lança alors :
- Satisfaite ?
Miléna ne répondit pas. Elle haussa simplement les épaules et sortit de la pièce. Les autres, bien que surpris par le geste de leur supérieur ne pipèrent mot. À leur tour, un par un, ils quittèrent la pièce pour tenter de fuir cette ville qui n'était plus la leur. Le dernier à partir fût Kedi. Sans un regard en arrière, il descendit dans le boyau obscur et puant pour y disparaître à son tour.
Quelques minutes après, la charge explosive mise en place par l'astsubay Thalès pulvérisait la station de pompage empêchant toute poursuite mais aussi tout retour en arrière.
Épisode 14 - Torrtur - Faubourg Ouest d'Arkadia - Objectif en vue
L'intensité du combat augmentait. Au débouché de l'égout, la "Deux" s'était faite accrochée mais elle tenait ses positions sans faiblir. En soldat expérimenté, l'adjudant REICH avait déployé ses groupes de combat et les droïdes faisaient des merveilles. C'était une absolue nécessité : il fallait tenir la ligne de défense et laisser le temps à la "Une" et aux groupes de Gardes pour s'échapper vers la lisère de la forêt. Dans ce faubourg Ouest de la cité, ils ne leur restait plus que 1500 mètres à parcourir avant de pouvoir atteindre les arbres protecteurs. C'était jouable ! Il fallait juste ne pas se laisser encercler.
Telle était la situation tandis que Slaine organisait une nouvelle ligne de défense avec la "Une", 500 mètres en arrière des combats.
Une fois retranchée, elle appela le sergent MARKOVNA POPOV qui accourut aussitôt.
- Sergent, prenez votre groupe et foncez vers la forêt. Ne vous laissez pas accrocher. Il faut absolument que nous sachions si les bois sont sûrs. Allez ! En avant !
Miléna salua rapidement et partit au pas de course rejoindre son groupe. Il y avait là Thélémaque, Andréas, Thalie et Clio. Elle leur fit un rapide topo et ils partirent vers les grands arbres que l'on devinait à l'Ouest. Derrière eux, déjà, le combat s'était rapproché car la "Deux" avait dû lâcher prise et se repliait en essayant de ne pas se laisser déborder par l'ennemi.
La progression du groupe M fût rapide et sans encombre. Les pavillons et les jardins étaient vides de toute présence humaine hormis quelques cadavres de civils tués dans les bombardements. Arrivée à la dernière maison, Miléna stoppa sa troupe à l'abri d'une haie et observa les 500 mètres de prairies qui les séparaient des premiers arbres. Soudain nerveuse, elle sortit ses jumelles pour observer la ligne d'arbres ainsi que les maisons et les haies à sa gauche et à sa droite.
- C'est bien trop calme tout ça... Bon ! Nous allons prendre position dans la maison plus à gauche. De là nous devrions y voir un peu plus clair.
Le groupe, toujours aux aguets, longea la haie puis un mur avant de franchir une cours et de pénétrer dans une solide bâtisse.
- Thalie et Clio à l'étage, vous me rendez compte du moindre mouvement. Andréas, tu fouilles toutes les pièces. Thélémaque, tu te postes ici et tu me surveilles la cours. Aller !
Le groupe s'éparpilla rapidement. Miléna décrocha son communicateur et appela :
- Groupe M à autorité.
- Ici autorité, parlez groupe M.
- Sommes arrivés en bordure à 500 mètres de l'objectif à atteindre au point H-43-75. RAS pour le moment.
- Reçu groupe M. Je vous envoie la "Deux". Situation sous contrôle ici. Nous arrivons sous peu. Envoyez une reconnaissance sur l'objectif dès que la "Deux" vous aura rejointe. Terminé.
- Reçu autorité. Nous attendons la "Deux". Terminé.
Miléna rangea son communicateur et interrogea Andréas qui venait de finir de contrôler les pièces :
- Alors ?
- RAS sergent.
- OK. Tu rejoins la route au bout de la cours, tu te planques et tu attends les nôtres. La "Deux" ne devrait pas tarder.
- Bien sergent.
Andréas partit prendre position rapidement.
Au bout de quelques minutes, le communicateur de Miléna grésilla :
- Sergent ?
- Oui Andréas.
- Un groupe de la "Deux" vient de me rejoindre. Je vous les envoie ?
- OK. Qu'un des leurs prenne ta place et rejoins nous avec les autres. Terminé.
- J'arrive !
Dès qu'ils entrèrent dans la maison, Miléna interpella le chef de groupe :
- Il faut deux hommes en haut pour remplacer les miens. Je dois continuer ma reconnaissance.
Le sous-officier acquiésca et demanda à ses hommes de prendre position. Son groupe réuni, Miléna donna les consignes :
- C'est la dernière ligne droite. Il faut atteindre la lisère et voir ce qu'il s'y passe. On fonce sans s'arrêter. Comme des brutes. En avant !
Tous lui emboîtèrent le pas comme un seul homme.
Les premiers 200 mètres furent franchis sans encombre. Le groupe progressait comme à l'exercice sans s'octroyer une seconde pour respirer. Tout à coup, plusieurs explosions soulevèrent des gerbes de terre autour d'eux.
- Artillerie ! Hurla Miléna en plongeant tête la première.
Elle observa les alentours et poursuivit :
- Ça vient du faubourg plus au Nord de la ville. Aller ! On continue avant qu'ils ne réglent leur tir.
Le groupe se releva et repartit à vive allure. Il courait comme si les chiens de l'enfer le poursuivaient. Pourtant, une 2ème salve le rattrapa, l'obligeant à se plaquer au sol à nouveau. Ensuite, il n'eut aucun répit et se trouva cloué au sol car une 3ème salve arriva, suivie d'une 4ème...
- Sergent ! Hurlait Thélémaque la peur au ventre en rampant sur la terre labourée. Sergent !
Avant qu'il n'obtienne une réponse, il roula dans un cratère où il percuta un corps. Les grades lui indiquèrent qu'il l'avait trouvé. Il le secoua.
- Sergent ! ça va ?
- Merde... répondit simplement Miléna en montrant ses mains pleine de sang. Suis touchée... Où sont les autres ?Finit-elle par articulé presque inaudible
- Debout sergent ! Il faut y aller !
- Continue sans moi. Je reste ici. Mes jambes sont fichues...
- Elles sont toujours là vos jambes ! Aller sergent ! Debout !
- Arrête de hurler comme ça tu veux...
Soudain, elle ressentit un froid intense et la douleur qu'elle ressentait aux jambes et au ventre s'estompa. Autour d'eux, les explosions continuaient de retentir, semblant les chercher pour les écraser.
- Je n'vous lâche pas sergent ! Je vous porterais s'il le faut.
Miléna ne répondit rien. Son visage blafard devenait de plus en plus cireux. Brutalement, les explosions s'arrêtèrent sans aucune raison apparente. Alors, traînant le corps de Miléna hors du trou, Thélémaque essaya de la hisser sur ses épaules. En vain.
- Fais chier merde ! Hurla-t-il vers le ciel. Personne pour m'aider ?
Ses camarades avaient disparu et il se retrouvait seul sans personne pour l'aider. Pourtant, comme par magie, Kedi apparut à ses côtés. Comme chaque fois qu'il se retrouvait seul avec le fauve, il eut un mouvement de recul : toujours ce mauvais souvenir qui revenait le hanter à chaque fois. Mais, se reprenant, il dit sans regarder l'animal :
- Tu peux m'aider ?
Kedi saisit l'une des bottes du sergent dans sa gueule, faisant mine de la tirer.
- OK... Je vais prendre ça pour un oui et tu vas m'aider.
L'animal se coucha et, après bien des effeorts, Thélémaque réussit à hisser le corps du sergent sur son dos. Il fixa rapidement le harnais de Miléna au harnais que portait Kedi afin que le sergent ne glisse pas.
- Allons-y !
Alors, comme dans un rêve, ce curieux équipage parcourut les 300 derniers mètres qui le séparaient des arbres. Des arbres gigantesques qui se dressaient face à eux telle une muraille infranchissable.
Épisode 15 - Torrtur - Faubourg Ouest d'Arkadia - La fin est proche
- Mon adjudant ! Quelles sont les nouvelles ?
- J'ai positionné la "Deux" orientée au Sud-Est avec la maison en point d'appui. Nous tenons bon face à une cinquantaine d'assaillants mais l'ennemi se renforce de minute en minute...
- OK. La "Une" à 50m, plus au Nord de votre position. Elle est orientée Nord-Ouest et recule pied à pied. J'ai mis les 3 groupes reconstitués des gardes amazones pour nous relier. Essayer de décaler vers le Nord l'un de vos groupes pour les soutenir.
- C'est déjà fait lieutenant. Ça tient bon pour le moment.
- Des nouvelles du groupe M ?
- Aucune depuis qu'il est parti vers la forêt. La zone a été bombardée... Je ne suis pas très optimiste...
- Bordiou ! Nous n'allons quand même pas nous laisser piéger si près du but !
La communication s'interrompit brusquement. Slaine enrageait. Tout s'était bien passé jusqu'alors et sans trop de pertes. Maintenant, ils se retrouvaient bloqués. Une fuite vers les arbres à travers la prairie qui s'étendait derrière les défenseurs était trop risquée, surtout sans savoir ce qui les attendait de l'autre côté. Elle ne voulait pas exposer encore plus ses hommes. Elle l'avait déjà trop fait jusqu'à présent avec des conséquences néfastes. Perplexe, Slaine regarda les hommes de son groupe de commandement qui faisait le coup de feu à ses côtés. Elle ruminait son angoisse :
Combien vont encore tomber aujourd'hui ? ... Et pas de nouvelle de Kedi... Je l'avais envoyé pour rejoindre le groupe M...
Mais elle n'eut pas le temps de s'appitoyer sur leur sort, à quelques mètres de là, l'un des KKR embusqué se mit à tirer sur des ombres qui couraient entre deux bâtiments.
Au même moment, l'astsubay Thalès et son groupe rejoignait Slaine :
- Lieutenant ! Ils essayent de s'infiltrer entre vous et les gardes. À 20 mètres plus au Sud.
- Impossible ! Il faut les en empêcher !
Elle héla un homme de son groupe :
- Thomas, tu viens avec moi. Les autres, gardez la position. En avant !
Alors elle se redressa et sortit du retranchement, fonçant dans la direction indiquée par Thalès. Les hommes la suivirent, se déployant en ligne sur sa droite et sur sa gauche, leurs armes braquées, prêtes à faire feu. Ils tombèrent ainsi sur une trentaine d'ennemis qui se préparaient à mener l'assaut. Ils foncèrent sans s'arrêter, vidant plusieurs chargeurs. Surpris par cette attaque brutale, l'ennemi reflua en désordre laissant plusieurs des siens étendus sur le sol. Par peur de se retrouver isoler dans les positions adverses, Slaine stoppa la troupe qui s'abrita dans un fossé maçonné. Rapidement menée, l'action avait porté ses fruits, permettant d'empêcher une infiltration qui aurait pu rompre les défenses du Corps Franc n°27.
Pourtant, l'ennemi se resaisit et, masquant sa retraite avec un nuage de fumigènes, il commença à saturer de projectiles la position où se trouvait Slaine et ses hommes. Celle-ci comprit le danger :
- Ils vont contre-attaquer ! Replis immédiat sur la haie derrière nous !
Tous bondirent pour se précipiter à l'abri de cette nouvelle position défensive.
- Lieutenant !!!
Thomas venait de s'effondrer à quelques pas de Slaine. Elle se précipita pour examiner le jeune blessé. Du sang coulait abondamment d'une large plaie au bras.
- Lèves-toi ! En avant !
Elle distingua alors l'effroi dans les yeux de l'adolescent et devina que l'ennemi arrivait sur leurs talons. Elle se retourna et mitrailla en aveugle puis lachant son arme dont le chargeur était vide, dégaina ses 2 yatagans. Elle embrocha le premier assaillant à sa portée et en décapita un autre.
- Cours Thomas ! Fuis si tu ne veux pas mourrir ici ! Aller !!!
Sans demander son reste, ce dernier se leva et détala à toutes jambes. Elle rengaina ses 2 armes blanches, se mit à genoux, rechargea son KR-11 pour tirer de courtes rafales vers les silhouettes qu'elle apercevait. Puis, constatant qu'elle allait se faire déborder, elle se redressa à son tour et courut vers la haie protectrice. Les autres étaient déjà en position et faisaient feu pour arrêter la vague ennemie. Une fois à l'abri près de l'adolescent blessé mais sauf, Slaine s'empressa de nouer solidement un pansement sur la plaie. Thomas grimaça sous la douleur.
- Prends ton arme et défends-toi ! Lui ordonna-t-elle.
Comme un somnambule, il s'exécuta, vidant le chargeur de son arme sur la multitude qui revenait à l'assaut.
La situation devenait critique, toute la ligne de front du corps franc s'était maintenant embrassée face à l'assaut général que menait l'ennemi. Les munitions s'épuisaient et il n'était plus possible de retraiter sans s'exposer à un massacre.
Dernier chargeur... ragea Slaine en tentant d'économiser ses munitions.
Elle allait demander à Thomas s'il lui en restait lorsqu'un vacarme bien connu retentit à ses oreilles. Juste derrière elle, le "tac tac" de 8 canons mitrailleurs de 20mm résonnait. Devant elle, les projectiles à haute vélocité hachés les assaillants, ne leur laissant aucune chance. Sur toute la ligne de défense de l'unité, il se produisit la même chose.
- Des arachno ! s'écria-t-elle soulagée.
Elle se redressa et envoya un ordre dans son communicateur :
- Ici autorité à tout le Corps Franc n°27 : repli général vers la forêt. Je répète : repli général vers la forêt. Nous décrochons.
Elle releva Thomas et lui tapa amicalement dans le dos :
- Aller ! C'est fini ! Cours droit devant sans t'arrêter.
Sous la protection des arachnodroïdes hantariens, les survivants du Corps Franc n°27 purent enfin décrocher, laissant les morts mais aidant les blessés à traverser la prairie. La forêt était toute proche, bientôt ils y seraient en sécurité.
Épisode 16 - Torrtur - Forêt du District d'Arkadia - Sains et saufs
Le jour commençait à décliner.
Alors que le temps s'était maintenu toute journée, il se mit à pleuvoir d'un seul coup. Un véritable déluge qui tombait du ciel, inondant la cité mais aussi le district tout entier. Les combats s'étaient aussitôt arrêtés, chacun cherchant à se mettre à l'abri. Face à ce répit, les dernières forces amazones en avaient profité pour évacuer la base de défense n°1 emmenant avec elles quelques 300 à 400 civils qui s'étaient réfugiés dans les souterrains. L'ennemi n'intervint pas soit parce qu'il n'avait rien vu soit parce qu'il fit mine de ne rien voir. Son objectif était atteint : occuper la ville et en tirer tout ce qu'il pouvait. Déjà de lourds vaisseaux cargos quittaient le centre de la cité, leurs soutes pleines à craquer de ressources pillées un peu partout en ville. De nombreuses explosions se faisaient entendre en provenance du centre de la cité, tout près du Palais Royal. Derniers combats ? Simples destructions ? Les Amazones qui fuyaient maintenant à travers la forêt ne s'en souciaient plus. La seule chose qui leur importait était leur survie.
L'évacuation avait été rondement menée dès que la décision avait été prise de sauver le plus possible de personnes. Depuis le matin, au fur et à mesure de leur progression, les civils mais aussi les combattants, avaient été dispatchés à travers des chemins cachés vers plusieurs endroits. Une cinquantaine de campements avaient ainsi été alimentés par le flot des réfugiés et, en cette fin de journée, plusieurs milliers d'habitants avaient été sauvées.
La nuit était tombée maintenant, les forces combattantes d'arrière garde, après avoir piégé les axes forestiers en se retirant, arrivaient enfin au but : ils étaient sains et saufs, c'était bien ça le principal.
C'était le cas du Corps Franc n°27. Après avoir pénétré dans la forêt, il avait était pris en charge par une compagnie de combat de la demie légion hantarienne. Suite à un bref contact de Slaine avec l'état-major, les Hantariens avaient immédiatement évacué l'unité rescapée. Chargeant les blessés les plus graves sur des arachnodroïdes, sans prendre le temps de se reposer, tous étaient partis à travers la forêt. C'est là que Slaine avait retrouvé le groupe M : Kedi, Thélémaque, Andréas sains et saufs mais Clio et Miléna gravement blessées. Pourtant, heureuse, elle avait laissé éclater sa joie, serrant fort la tête du félin contre elle, avant de serrer chaleureusement la main de Thélémaque. Ensuite, il avait fallu marcher encore pendant deux heures dans la forêt. Enfin, ils étaient arrivés à destination. C'était comme une grande clairière sur le bord de laquelle de nombreux abris de fortunes étaient disposés. Plus de 500 personnes étaient entassées là, essayant de s'abriter de la pluie sous les grands arbres en bordure de l'espace découvert. Ne voulant pas éparpiller ses hommes, Slaine leur demanda un dernier effort et, traversant la clairière, ils découvrirent une parois rocheuse qui se dressait de l'autre côté. Des reconnaissances furent envoyées et plusieurs grottes découvertes.
- Nous nous installons ici, ordonna Slaine en inspectant l'une des cavités. Mon adjudant, envoyait deux hommes vers les civils que nous venons de dépasser. Dites leur d'envoyer les blessés et les enfants ici afin qu'ils s'installent dans les autres cavités. Ils pourront faire du feu et être au sec.
Helmut envoya aussitôt les 2 rescapés de son groupe de combat prévenir les civils. Puis, il donna des ordres afin que chaque groupe s'installe au mieux avec les blessés. Une fois fait, il rejoignit l'adjudant Antone DESFANS qui commandait la compagnie hantarienne qui les avait récupérés :
- Salut Antone ! Merci pour tout à l'heure. Sans ton appui nous étions fichus...
- J'ai fait le boulot tout simplement. Tu aurais fait la même chose à ma place. En tous les cas chapeau car vous avez bien morflé !
- Tu peux le dire... On en a chié. J'ai même cru que c'était la fin avant ton intervention...
Helmut regardait en même temps les hommes d'Antone qui finissaient d'assembler des structures dans la grotte :
- Vous montez quoi exactement ?
- Un hôpital léger avec bloc opératoire.
- Vrai !? Je peux t'envoyer mes blessés ? Le sergent POPOV en fait parti... Elle est salement touchée.
- Pas de soucis pour moi. Je vois ça tout de suite avec le médecin.
- OK ! Merci. Je te les envoie... Sinon tu as de quoi manger pour une trentaine d'hommes ?
- Oui j'ai ça. Je peux te donner deux norvégiennes de bortsch.
- Impec' ! Je t'envoie deux droïdes pour les récupérer.
Helmut faisait déjà demi-tour pour aller donner ses ordres lorsque Antone l'interpella :
- Helmut ?
- Oui ?
- Repose toi un peu quand même... Parce que... T'as vraiment une tête à faire peur !
Helmut sourit brièvement en lui lançant un clin d'œil:
- Je verrai ça plus tard !Puis, sans attendre, il retourna vers ses hommes. Il organisa rapidement le transfert des blessés vers l'hôpital voisin qui finissait de s'installer. Il eu toutes les peines du monde à empêcher Thélémaque de suivre "son" sergent car, depuis que Miléna était blessée, il ne la quittait pas d'une semelle. Enfin, il organisa le partage de la nourriture pour les survivants, y compris ceux des 3 groupes de Gardes Royaux qui avaient rejoint le corps franc au cours de la journée. La troupe affamée dévora ce repas chaud sans se plaindre. Pour la plupart, ils n'avaient rien manger depuis le matin. Helmut apporta lui même une gamelle à Slaine :
- Lieutenant !? Il faudrait peut-être manger un peu, non ?
- Vous avez raison mon adjudant. Avec tous ces appels de l'état-major, je n'ai pas eu une minute à moi. Sinon, tout va bien pour la troupe ? Et les blessés ? Demanda Slaine en saisissant la gamelle et la cuillère qu'il lui tendait.
- Tout va au mieux lieutenant. Les blessés ont été pris en charge et la troupe finit de manger.
- Parfait ! Répondit-elle la bouche pleine. C'est vraiment délicieux...
Au même moment son communicateur grésilla de nouveau :
- Encore l'état-major qui veut des nouvelles.
- Je vous laisse lieutenant. Bon appétit.
Slaine, le communicateur déjà à l'oreille, le remercia d'un signe de tête.
Helmut fit alors le tour des groupes qui s'étaient formés autour de plusieurs feux de camp. Il donna les consignes pour la nuit, prenant des nouvelles de chacun, leur ordonnant aussi de nettoyer les armes. Il inspecta les droïdes, déconnectant les plus abîmés tandis que les autres montaient la garde à l'extérieur. Plus loin, dans la forêt, les arachnodroïdes hantariens veillaient. À côté, les autres cavités s'étaient remplies de civils. Ils étaient maintenant à l'abri loin des affres de la guerre.
Après avoir fini de manger avec son groupe qui se préparait à endormir, Helmut fit une dernière ronde. Il découvrit Slaine endormit, le menton reposant sur son torse, une main tenant la gamelle maintenant vide. Elle s'était effondrée de fatigue tout contre Kedi qui dormait lui aussi juste derrière elle. Helmut sourit. Son supérieur était une femme de caractère, un vrai chef mais le visage qu'elle avait à cet instant précis la faisait ressemblait à une petite fille. Il enleva doucement la gamelle et la cuillère des doigts sales de Slaine. Derrière elle, Kedi ouvrit un œil puis soupira en baillant avant de se rendormir. Helmut prit les épaules du lieutenant et l'allongea doucement le long de l'animal, dégrafant au passage son harnais de combat afin qu'elle respire plus librement. Satisfait, il retourna prêt de son groupe et s'assit prêt du feu. La fatigue lui tomba sur les épaules tout à coup. Les yeux gonflés, il entreprit de démonter et nettoyer son MAKR-73. Toutes ses années de métier lui permettaient de faire ça machinalement, sans y penser. Se faisant il repensa à la journée qui venait de passer. Et quelle journée ! Il n'en revenait pas que cette troupe hétéroclite s'en soit si bien sortie. Cet amalgame d'individus provenant de tous les horizons avait bien fonctionné. Finalement, quand il s'agissait de survivre, cela fonctionnait toujours. Il regarda les hommes et les femmes endormis dans la grotte. Il était fier d'avoir combattu à leurs côtés. Il finit de remonter son arme sur cette dernière pensée. Puis, à son tour, il ôta son harnais de combat et s'étendit sur le sol sableux. Épuisé, il ne tarda pas à s'endormir.
Partout dans cette grande forêt, la majorité des survivants de la cité avait fini par s'endormir après cette journée épouvantable.
Épisode 17 - Torrtur - Reconstruction
Le lourd vaisseau se désarrima de la frégate. Lentement, il effectua une rotation sur tribord avant de plonger vers l'atmosphère de la planète. Sur la passerelle de la frégate, Lisyppé le suivit des yeux à travers la vitre blindée.
Cela faisait maintenant 10 jours qu'Arkadia avait été rasée. Les reconnaissances envoyées le lendemain même de l'attaque n'avaient trouvé que ruines et charniers. Tout avait été méthodiquement détruit, broyé et incendié. De la cité jadis si pimpante il ne restait rien. Profondément meurtris par ce constat qui leur rappeler l'abandon pas si lointain de leur planète mère, les Amazones avaient malgré tout décidé d'établir une nouvelle colonie sur cette planète. Avec l'aide des Hantariens et du chantier spatial d'une planète voisine, un vaisseau avait été construit en un temps record.
Pleine d'espoir, Lysippé regarda le vaisseau entrer dans l'atmosphère. Au même moment, un sas s'ouvrit derrière elle. Avant même que la personne parle, elle savait déjà de qui il s'agissait.
- Reine Lysippé, tout est opérationnel. Avant ce soir nous aurons une structure qui pourra déjà accueillir les premiers réfugiés.
- Merci commandant BLUTCH. Merci beaucoup pour votre aide précieuse, répondit Lysippé sans se retourner. Sinon, beaucoup de pertes de votre côté ?
- Nous avons eu beaucoup de chance. Quelques blessés mais tous sont sortis d'affaire. En dehors des droïdes, aucune perte... Malheureusement... Pour v...
- Oui nous avons eu des pertes, l'interrompit Lysippé. Les derniers chiffres font état de presque 30% de pertes pour la population et de 65 à 70% pour les militaires. Le coup a été rude mais nous nous en sortirons. Nous sommes déjà sur la bonne voie, termina-t-elle en pointant du menton le vaisseau qui allait bientôt
disparaître de leur champ de vision.
Nima s'était approchée de la vitre à son tour. Sans plus un mot, elles regardèrent le vaisseau disparaître.
Le vaisseau poursuivit sa route encore quelques minutes puis il stabilisa son altitude, coupant sa propulsion principale. À bord, les hommes s'affairèrent encore quelques minutes autour de leurs écrans de contrôle. Soudain, l'énorme vaisseau sembla se disloquer. Ses flancs s'ouvrirent, libérant d'autres plaques. Il ressemblait maintenant à une grosse fleur qui s'ouvrait à la lumière du soleil matinal. Puis, les lourdes plaques coulissèrent les unes sur les autres pour former une plate-forme de 500m de côté. Ensuite, des trappes s'ouvrirent et plusieurs techniciens accompagnés de quelques droïdes hantariens démasquèrent des pupitres au centre de la structure. Le temps étant clément à cette altitude, ils n'eurent aucun mal à travailler. À partir des divers pupitres, ils enclenchèrent d'autres processus qui déployèrent trois bâtiment sur l'un des bords de la plate-forme. Aussitôt après, deux transporteurs spatiaux qui s'étaient approchés entre temps s'arrimèrent à la plate-forme. Des robots télécommandés s'employèrent rapidement à les vider de leur matériel, tandis que leurs équipages venaient renforcer les équipes de montage. Une fois vide, ils furent purement et simplement incorporés à la structure par des robots soudeurs. Cela se reproduit une dizaine de fois et, après deux heures de labeur intensif, la plate-forme avait plus que doublé sa superficie. En son centre, plusieurs bâtiments pointés déjà vers le ciel. Pour renforcer la structure, six énormes barges et quatre vaisseaux pousseurs spécialisés avaient été incorporés au dessous pour de la stabiliser. De l'unique vaisseau initial, plus rien n'était visible. Les hommes travaillaient sans relâche, faisant tout leur possible avant que la nuit ne vienne. Les droïdes hantariens, infatigables, œuvraient, pilotant des robots ou manipulant les charges trop lourdes pour un humain. Enfin, après trois autres heures de travail acharné apparut le 1er vaisseau de réfugiés provenant de la planète. C'était le transporteur hantarien T-AFI-01 que son jumeau suivait de près. Chargés des blessés les plus graves, ils accostèrent à l'unique quai qui venait juste d'être terminé. Plusieurs équipes sanitaires prirent aussitôt en charge les blessés pour les diriger vers l'hôpital flambant neuf. Sans plus attendre, les deux transporteurs repartirent vers la surface.
À bord du transporteur T-AFI-01, son commandant, le lieutenant May PÉPÉ-GUÈS eut juste le temps de voir un vaisseau de type frégate qui, venant du ciel, s'apprêtait à accoster à son tour.
Les choses vont vite et c'est temps mieux, pensa-t-elle.
La tension nerveuse qui lui bloquait les épaules depuis ces derniers jours disparut tout à coup.
- Retour au point Alpha, annonça-t-elle au navigateur. Ne traînons pas, nous avons encore de nombreuses rotations à faire.
Elle avait hâte que tout se termine. Hâte de retrouver Tatiana qu'elle n'avait fait que croiser dernièrement. Hâte de prendre une bonne douche et de dormir dans des draps propres contre le corps doux et chaud de sa compagne.
Vite ! S'impatienta-t-elle intérieurement.
Mais il faudrait encore du temps pour retrouver une certaine normalité, elle le savait bien. D'ailleurs tous le savaient, civils comme militaires, seul le temps permettrait non seulement de tout reconstruire mais aussi de panser les blessures et d'essayer d'oublier les lourds souvenirs de ce jour funeste.
Tandis que la cité se développer encore dans le soleil qui baissait à l'horizon, d'autres navettes quittèrent les soutes de la frégate et se dirigèrent vers la forêt de l'ancien district d'Arkadia pour y récupérer les survivants.
(FIN du chapitre)